"L'édifice à coupole qui abrite le tombeau de Saladin, au nord de la mosquée des Omeyyades de Damas, est encore un lieu de pèlerinage de nos jours. Le cénotaphe en bois sculpté, à gauche, date en grande partie de l'époque ayyoubide ; celui qui est en marbre blanc a été construit, en hommage à Saladin, à la fin du XIXe siècle, par le sultan ottoman Abdulhamid II, avant d'être restauré par l'empereur allemand Guillaume II", Anne-Marie Eddé, Saladin, Flammarion.
"Les sources divergent sur les circonstances exactes du rétablissement de la khutba abbasside dans les mosquées du Caire ainsi que sur la mort du calife qui coïncida avec sa déchéance. Rien d'étonnant à cela car la chute d'une dynastie aussi prestigieuse que celle des Fâtimides ne pouvait qu'engendrer rumeurs et légendes. Des différents récits, il ressort que le vendredi 10 septembre, le nom du calife al-Adid fut supprimé de la khutba prononcée à Fustât, sans être immédiatement remplacé par le nom du calife abbasside. Quand le calife, déjà très malade, l'apprit, il vit son état empirer et mourut le 13 septembre au matin à l'âge de vingt et un ans. Le vendredi suivant, 17 septembre, la khutba fut alors officiellement prononcée à Fustât et au Caire au nom du nom du calife de Bagdad, al-Mustadî. La mort soudaine d'al-Adid suscita aussitôt des interprétations diverses, plus ou moins légendaires. Certains affirmèrent simplement que sa déchéance l'avait atteint si profondément qu'il en mourut. D'autres parlèrent de suicide : en apprenant sa destitution, le calife aurait porté à ses lèvres sa bague empoisonnée. Certains racontèrent qu'après avoir vu le calife boire du vin et courvrir de bijoux l'une de ses concubines, Saladin demanda aux juristes une fatwa pour le condamner de s'être livré à la débauche avant d'envoyer son frère le tuer. D'autres enfin dirent qu'il fut étranglé avec son turban pour avoir refusé de révéler les cachettes de ses trésors.
De tous ces événements, il faut surtout retenir la prudence avec laquelle, une fois de plus, Saladin avait atteint son objectif, en privilégiant le changement par étapes et la consultation des milieux religieux. Ses décisions furent ainsi acceptés sans résistance par une population égyptienne restée fondamentalement sunnite, lasse de voir ses dirigeants se déchirer sans cesse et faire appel aux "infidèles". Depuis qu'il était au pouvoir, Saladin avait montré, au contraire, sa capacité à imposer l'ordre et à repousser les Francs. Une démonstation de force réaffirmée dès le 11 septembre 1171, au lendemain de l'abandon de la khutba fâtimide, lorsqu'il passa en revue l'ensemble de ses troupes en présence d'une foule nombreuse et d'ambassadeurs byzantins et francs.
Ordre fut donné dans toutes les provinces égyptiennes de faire la prière au nom du calife abbasside. Lorsqu'il fut mis au courant, Nûr al-Din envoya aussitôt son ambassadeur annoncer la bonne nouvelle au calife de Bagdad. En route, celui-ci devait proclamer partout la fin de la dynastie fâtimide en Egypte. Le document qu'il était chargé de lire mettait l'accent, une nouvelle fois, sur la collusion des deux pouvoirs honnis, celui des Fâtimides hérétiques et celui des Francs infidèles. Le mérite de cette victoire revenait à Nûr al-Din qui avait réussi là où beaucoup de ses prédecesseurs avaient échoué. Dieu l'avait guidé dans cette conquête et lui avait confié la possession de l'Egypte pour la ramener dans le droit chemin de l'islam. Et Nûr al-Din d'ajouter sous la plume de son chancelier, sans jamais mentionner le nom de Saladin : "Nous avons chargé celui que nous avons désigné comme lieutenant [c'est à dire Saladin] d'ouvrir la porte de la félicité, de mener à bien ce que nous avons voulu, d'établir là-bas le message abbasside qui nous guide et de conduire les hérétiques vers la perdition." C'était affirmer haut et fort que toute la gloire tirée de cette victoire lui revenait, Saladin n'étant que son représentant et l'exécuteur de ses ordres au Caire.
Cette nouvelle causa une grande liesse à Bagdad. Quelques mois plus tard, pour récompenser Nûr al-Din, le calife lui envoya, avec l'un de ses plus hauts dignitaires, une garde-robe d'honneur complète. Nûr al-Din revêtit la robe, passa le lourd collier d'or autour du cou et ceignit les deux épées liées par leur baudrier pour symboliser sa domination sur la Syrie et l'Egypte réunifiées. Monté sur l'un des chevaux que lui avait offert le calife, il parada à l'ouest de Damas jusqu'à l'Hippodrome Vert avant de regagner la citadelle, drapeau noir en tête. Il fit aussi envoyer à Saladin la garde-robe d'honneur qui lui était destinée, prestigieuse quoique inférieure à la sienne, le calife ayant respecté la hiérarchie des pouvoirs. Avec ces cadeaux, il y avait aussi des vêtements d'honneur pour les oulémas égyptiens et des drapeaux noirs à placer dans les mosquées pour marquer le retour de l'autorité abbasside. Dès le mois de décembre 1171, une nouvelle monnaie égyptienne fut frappée aux noms du calife abbasside et de Nûr al-Din. Aux yeux de tous, à cette époque, la victoire du sunnisme sur le chiisme ismaélien était donc celle de Nûr al-Din avant d'être celle de Saladin."
Anne-Marie Eddé, Saladin, Flammarion, pp. 64-66
De tous ces événements, il faut surtout retenir la prudence avec laquelle, une fois de plus, Saladin avait atteint son objectif, en privilégiant le changement par étapes et la consultation des milieux religieux. Ses décisions furent ainsi acceptés sans résistance par une population égyptienne restée fondamentalement sunnite, lasse de voir ses dirigeants se déchirer sans cesse et faire appel aux "infidèles". Depuis qu'il était au pouvoir, Saladin avait montré, au contraire, sa capacité à imposer l'ordre et à repousser les Francs. Une démonstation de force réaffirmée dès le 11 septembre 1171, au lendemain de l'abandon de la khutba fâtimide, lorsqu'il passa en revue l'ensemble de ses troupes en présence d'une foule nombreuse et d'ambassadeurs byzantins et francs.
Ordre fut donné dans toutes les provinces égyptiennes de faire la prière au nom du calife abbasside. Lorsqu'il fut mis au courant, Nûr al-Din envoya aussitôt son ambassadeur annoncer la bonne nouvelle au calife de Bagdad. En route, celui-ci devait proclamer partout la fin de la dynastie fâtimide en Egypte. Le document qu'il était chargé de lire mettait l'accent, une nouvelle fois, sur la collusion des deux pouvoirs honnis, celui des Fâtimides hérétiques et celui des Francs infidèles. Le mérite de cette victoire revenait à Nûr al-Din qui avait réussi là où beaucoup de ses prédecesseurs avaient échoué. Dieu l'avait guidé dans cette conquête et lui avait confié la possession de l'Egypte pour la ramener dans le droit chemin de l'islam. Et Nûr al-Din d'ajouter sous la plume de son chancelier, sans jamais mentionner le nom de Saladin : "Nous avons chargé celui que nous avons désigné comme lieutenant [c'est à dire Saladin] d'ouvrir la porte de la félicité, de mener à bien ce que nous avons voulu, d'établir là-bas le message abbasside qui nous guide et de conduire les hérétiques vers la perdition." C'était affirmer haut et fort que toute la gloire tirée de cette victoire lui revenait, Saladin n'étant que son représentant et l'exécuteur de ses ordres au Caire.
Cette nouvelle causa une grande liesse à Bagdad. Quelques mois plus tard, pour récompenser Nûr al-Din, le calife lui envoya, avec l'un de ses plus hauts dignitaires, une garde-robe d'honneur complète. Nûr al-Din revêtit la robe, passa le lourd collier d'or autour du cou et ceignit les deux épées liées par leur baudrier pour symboliser sa domination sur la Syrie et l'Egypte réunifiées. Monté sur l'un des chevaux que lui avait offert le calife, il parada à l'ouest de Damas jusqu'à l'Hippodrome Vert avant de regagner la citadelle, drapeau noir en tête. Il fit aussi envoyer à Saladin la garde-robe d'honneur qui lui était destinée, prestigieuse quoique inférieure à la sienne, le calife ayant respecté la hiérarchie des pouvoirs. Avec ces cadeaux, il y avait aussi des vêtements d'honneur pour les oulémas égyptiens et des drapeaux noirs à placer dans les mosquées pour marquer le retour de l'autorité abbasside. Dès le mois de décembre 1171, une nouvelle monnaie égyptienne fut frappée aux noms du calife abbasside et de Nûr al-Din. Aux yeux de tous, à cette époque, la victoire du sunnisme sur le chiisme ismaélien était donc celle de Nûr al-Din avant d'être celle de Saladin."
Anne-Marie Eddé, Saladin, Flammarion, pp. 64-66
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