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jeudi 25 mars 2010

Hâfez : La rose, le rossignol et le poète au jardin (Ghazal 456)

Photo : Roland et Sabrina Michaud

De grand matin je m'en fus au jardin cueillir une rose.
Soudain me vint à l'oreille la voix d'un rossignol.

Le pauvre comme moi était pris d'amour pour une rose
et par son cri de détresse jetait le tumulte au parterre.

Je tournais en ce parterre et ce jardin ; d'instant en instant
je songeais à cette rose et à ce rossignol.

La rose était devenue compagne de la beauté, le rossignol l'intime de l'amour
en lui nulle altération, en l'autre nulle variation.

Quand la voix du rossignol eut mis sa trace en mon coeur,
je changeai au point que nulle patience ne me resta.

En ce jardin tant de rose s'apanouissent, mais
personne n'a cueilli une rose sans le fléau de l'épine.

Hâfez, du monde en sa rotation n'espère l'apaisement :
il a mille défauts et n'a pas une faveur !

Hâfez

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Henri de Fouchécour :
"Le ghazal 456 est un joyau, par la simplicité de ses mots, la densité de son sens et la beauté de ses figures. La rime annonçait déjà cette simplicité. Les actants sont élémentaires : la rose, le rossignol et le poète au jardin. Ce qui arrive entre le rossignol et la rose est l'objet de la réflexion du poète. C'est que la voix du rossignol, entendue quand le poète allait cueillir une rose laissa au coeur de celui-ci sa marque, "sa trace". Le poète voulut cueillir une rose, mais à la fin, il ne le fit pas. [...]
Le ghazal 456 est d'une grande habileté technique, tant par l'abondance des assonances et des allitérations que par le jeu des rapports calligraphiques. [...] En somme, un poème à chanter.
Source : Hâfez de Chiraz, Le Divân, introduction, traduction du persan et commentaire par Charles-Henri de Fouchécour, Verdier

4 commentaires:

Jalel El Gharbi a dit…

Chaque poème de Hafez se termine par un vers citant son nom. Cela a quelque chose de pathétique peut-être. Mais cela signifie surtout que la poésie est un travail sur soi. (Il ne s'agit pas seulement de cette dimension autoscopique ou réflexive). C'est comme si le poète s'émouvait de se savoir promis à la fin. - c'est peut-être pour cela que le nom n'apparaît qu'à la fin. Je cherche à dire que chacun des poèmes de Hafez rappelle la fin.
Amicalement

Pier Paolo a dit…

Cher Jalel, c'est vraiment très intéressant ce que vous dites concernant le travail sur soi par la poésie et le côté pathétique que vous décelez dans la mention du nom de l'auteur à la fin de chaque poème. Il me semble qu'une étude historique serait intéressante sur ce point car je me demande si la mention du nom de l'auteur à la fin du poème ne relève pas d'une règle, d'une convention propre à l'art poétique dans le monde indo-iranien. En effet, d'autres auteurs procèdent ainsi (influence de Hafez ?). Je pense à Kabir en particulier, mais aussi Toukaram ou encore Tulsi Das. Et les poèmes religieux des ismaéliens du sous-continent indien se terminent tous, sans exception, par la mention du nom de l'auteur. A creuser donc. Merci à vous d'avoir attiré l'attention sur cela. Amicalement.

Jalel El Gharbi a dit…

Donnez-nous à lire ces poètes que vous citez, nous ferons ensemble une anthologie des poètes citant leurs noms (il y en a aussi dans les lettres occidentales)
Amicalement

Pier Paolo a dit…

Avec plaisir, cher Jalel.