Alors voilà, ce matin, en faisant le tour de mes blogs préférés, j'ai lu ce texte qui m'a particulièrement ému sur Vita Nova, un blog qui m'est infiniment cher. Je reproduis le billet tel quel ici :
"Je parle avec Rafaniello, aujourd'hui nous avons le temps, je lui demande si son pays ne lui manque pas. Son pays n'existe plus, il n'y est resté ni vivants ni morts, on les a fait disparaître tous ensemble : "Je ne sens pas le manque, dit-il, mais la présence. Dans mes pensées ou quand je chante, quand je répare un soulier, je sens la présence de mon pays. Il vient souvent me trouver, maintenant qu'il n'a plus une place à lui. Dans le cri du marchand d'eau qui monte avec son charreton à Montedidio pour vendre de l'eau sulfureuse dans des pots de terre cuite, de sa voix aussi me parviennent quelques syllabes de mon pays." Il se tait un moment, ses petits clous dans la bouche et la tête penchée sur une semelle. Il voit que je suis resté à côté et il continue : "Quand tu es pris de nostalgie, ce n'est pas un manque, c'est une présence, c'est une visite, des personnes, des pays arrivent de loin et te tiennent un peu compagnie." Alors don Rafaniè, les fois où il me vient la pensée d'un manque, je dois l'appeler présence ? "C'est ça, et à chaque manque, tu souhaites la bienvenue, tu lui fais bon accueil." Alors quand vous vous serez envolé, je ne dois pas sentir votre manque, moi ? "Non, dit-il, quand il t'arrive de penser à moi, moi je suis présent." J'écris sur le rouleau les paroles de Rafaniello qui ont mis le manque sens dessus dessous et il est mieux comme ça maintenant. Lui, avec les pensées, il fait comme avec les chaussures, il les retourne sur sa caisse et les répare."
Erri de Luca, Montedidio.
(Sandrine Alexie, blogueuse de Vita Nova, est bibliothécaire, écrivaine, traductrice (kurde-français), interprète et, de surcroît, dotée d'une érudition phénoménale)
5 commentaires:
Ah, c'est vraiment une période fertile! Et moi qui n'ai même pas à me pencher pour cueillir ces fleurs que je thésaurise. Il y a deux jours, c'est Brigitte Giraud (encore une fan de "nous sommes tous des migrants") qui nous sert ce fiat lux: "En ouvrant la porte de l'armoire aux souvenirs, j'ai vu filer la nostalgie". Et aujourd'hui, le flash de Sandrine Alexie! Superbe cette transformation de la nostalgie en présence; mon problème, c'est maintenant d'en faire une phrase mémorable et mnémoniquement exploitable, une sorte de "cogito ergo sum" lié pour toujours au nom de Sandrine Alexie. Je m'y attaque demain, à moins qu'elle ou toi, ayez un compactage à la hauteur du génie de la trouvaille à proposer.
C'est à toi de jouer, mon ami. Moi, je ne suis pas à la hauteur et quant à Sandrine Alexie, elle ne sort jamais de son blog ou bien il faudra aller voir sur le sien car elle ne manque jamais d'inspiration.
Ça, c'est vrai que je mets jamais le nez au-dehors de mon blog et de mes bouquins. En fait plus pantouflarde et casanière que moi y a pas... un vrai chat de salon et de feu de cheminée.
Mais pitié pour les couronnes de laurier : je suis Malamatî (la Voie du Blâme).
Miracle ! Sandrine Alexie est sortie de son trou. Ce jour (04/02/2010)est à marquer d'une pierre blanche. Quant au fait que tu suives la voie Malamati il me semble aussi qu'il s'agit de supporter et d'accueillir les souffrances sans broncher, donc si le fait de tresser des lauriers te fait souffrir, je vais en rajouter une couche, mais c'est vraiment et uniquement pour servir ta voie malamati. Tu es blogueuse d'Amedi, un site qui est une véritable encyclopédie sur la culture kurde et les kurdes. Tu souffres, n'est-ce pas ? Tu as mal, hein ?! C'est ainsi que tu vas devenir une vraie malamati.
Ouais ça cuit fort, mais je serre les dents :D
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