L'illustration représente le siège de Mahdia par l'armée de Charles Quint en 1550. Les troupes espagnoles resteront à Mahdia jusqu'en 1554. Avant leur départ, elles détruiront entièrement les remparts fâtimides de la ville construits au début du Xe siècle par Ubayd Allah al-Mahdi. L'historien Marmol nous raconte qu'après cette destruction, la ville changea tellement de forme qu'elle devint méconnaissable à ses propres habitants. Illustration intitulée Africa olim Aphrodisium, tirée de Civites Orbis Terranum, XVIe siècle
Face aux dépenses particulièrement importantes générées par le maintien d'une armée à Mahdia, Charles Quint décide en 1554 de rappeler ses troupes en Europe. Mais il ordonne que l'armée, avant son départ, démolisse entièrement les remparts de Mahdia afin que la ville ne puisse plus être utilisée comme base militaire par des puissances ennemies, notamment turque et française. Marmol Carvajal qui accompagna les troupes de Charles Quint à Mahdia nous décrit dans l'extrait ci-dessous la destruction de ces remparts. De nos jours, il ne subsiste des fortifications fatimides que quelques pans de murs et le fameux porche monumental (Skifa Kahla) qui gardait l'entrée de Mahdia. Mais même ceux-ci ne contiennent que peu d'éléments d'origine, car ces vestiges furent l'objet, au XVIe siècle, d'une reconstruction par les Ottomans.
"Lorsque le travail fut achevé, on fit embarquer toutes les troupes avec l'artillerie, les munitions et les vivres, et laissant un Officier, en qui l'on s'assurait avec deux escouades pour mettre le feu aux mines et donner ordre qu'il n'en restât pas une à jouer, on commença à quitter le bord. Il y avait vingt quatre mines sous les murailles et les principales tours et chacune avait plusieurs branches qui allaient jusque sous les fondements. Or, pour les faire jouer toutes ensemble, on fit ce que je vais dire.
On mit un soldat à l'entrée de chacune avec une brasse et demie de mèche toutes de la même grosseur et on leur commanda de les allumer au premier coup de canon et, qu'au second, ils se baissassent tous en même temps et les mettant dans le gros tuyau qui était fait pour ce sujet, ils les posassent à l'entrée des mines en sorte que deux empans de la mèche entrassent dans la poudre et les deux autres demeurassent dehors avec le bout qui brûlait afin qu'elles prissent toutes en même temps.
On ordonna à chaque soldat, après avoir posé sa mèche, d'aller visiter celle de son compagnon et, au Commandant, de faire exécuter le tout avec grande diligence parce que si par hasard une mine venait à jouer avant les autres, elles couraient fortune de se combler et de demeurer sans effet, et ainsi le dessin qu'on avait de ruiner les fortifications en telle sorte qu'on ne les pût rétablir, avorterait.
Après cela, les soldat se retitrèrent dans les barques et les chaloupes, et les vaisseaux s'éloignèrent de la côte pour esquiver le danger. Les premières mines qui jouèrent furent celles du côté de la terre l'une après l'autre en tirant vers le Levant. Ces tours que Mahdi avait faites avec tant d'industrie et de dépense qu'on dit qu'il les eût fait de métal s'il les eût crû plus assurées de la sorte. Enfin, la ruine fut si grande de toutes parts en un instant qu'on eût crû que tous les éléments s'entrechoquaient. Et la ville changea tellement de forme qu'elle n'était pas reconnaissable à ses propres habitants et ce port fut fatal à plusieurs navires qui y arrivèrent depuis. Il n'y eut qu'une mine qui demeura sans effet en la tour qui était vers la porte de la terre et le Gouverneur descendant à terre la fit jouer aussitôt et les deux tours qui étaient à l'entrée du port volant en l'air découvrirent de grandes colonnes de marbre qui les soutenaient de peur qu'en faisant les fondements de diverses pièces le ciment ne fût peu à peu miné des vagues et le fond était pavé de grandes tables de marbre. Cette ville étant ainsi démolie le Gouverneur n'y voulut pas laisser les os de tant de Gentilshommes et d'Officiers qui étaient morts à la prise et qu'on avait enterrés en la grande Mosquée et les fit mettre dans de grands coffres de bois, ceux des Chevaliers de Malte en l'un et les autres en un autre. Ensuite, il prit la route de la Sicile n'ayant été que treize jours dans la place et paya les soldats au premier port où il aborda. L'Empereur fut par ce moyen délivré de la peine où il était qu'elle ne tombait entre les mains des Infidèles et de la dépense qu'il eût été obligé de faire en la gardant. Elle se trouva donc ruinée quand l'armée française l'envoya reconnaître ; de sorte que Dragut ni les Turcs ne s'en pourront servir comme ils pensaient à incommoder les côtes de Naples et de Sicile.
On enterra depuis les os des Gentilhommes et des Officiers en l'Eglise de Montréal qui est proche de Palerme et le Viceroy y fit mettre cet épitaphe que Dom Fernand lui-même avait fait et qu'il lui envoya :
"La mort a pu mettre fin à la vie de ceux que cette tombe enserre mais non pas à leur immortelle valeur. La foi de ces Héros leur a donné place dans le Ciel et leur courage a rempli la terre de leur gloire de sorte que sang est sorti de leurs blessures pour une mort leur donne deux vies immortelles."
Voilà la fin qu'eut une place si renommée et nous nous y sommes un peu plus étendus qu'à l'ordinaire parce que c'est une chose arrivée de notre temps et où nous avons eu quelque part outre qu'ayant rapporté sa fondation nous avons été bien aise d'écrire aussi la fin."
Source : L'Afrique de Marmol, traduction de Nicolas Perrot d'Ablancourt, tome II, Paris, 1667, pp. 517-18
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