Dans l'illustration ci-dessus, nous voyons le siège de Mahdia par l'armée de Charles Quint. Même si nous n'avons pas là une représentation fidèle de Mahdia, nous pouvons néanmoins voir les principaux éléments architecturaux de la ville : les remparts ceinturant la cité palatiale, la colline près de laquelle se trouvait l'arsenal, la grande Mosquée. Le rempart maritime comportait 110 tours bastions. Un momunmental porche (Skifa Kahla) situé sur l'isthme gardait l'entrée à Mahdia. Illustration intitulée Africa olim Aphrodisium, tirée de Civites Orbis Terranum, XVIe siècle, BNF
Au début du XVIe siècle, la piraterie turque, avec notamment à sa tête le fameux Khayr al-Din Barberousse, sévit en Méditerranée. En 1534, Barberousse marque un coup d'éclat en réussissant à s'emparer d'un site aussi prestigieux et stratégique que la ville de Tunis. Afin de reprendre cette place et d'éradiquer définitivement la piraterie, Charles Quint arme une flotte puissante qu'il place sous le commandement d'André Dorie. Grâce à cette flotte, l'armée de Charles Quint reprend Tunis en 1535. Plus tard, apprenant que le corsaire turc Dragut a établi son quartier général à Mahdia d'où il lance des raids dévastateurs sur les côtes du Maghreb et de l'Italie, la flotte espagnole met les voiles sur la ville. Après un siège long de plusieurs mois, l'armée lance un assaut puissant et meurtrier sur les fortifications et réussit à s'emparer de Mahdia en 1550. Les espagnols resteront dans cette ville jusqu'en 1554, date à laquelle, avant leur départ, ils dynamiteront ses remparts afin de faire perdre à Mahdia sa caractéristique de place forte.
Marmol Carvajol, historien, écrivain et soldat, a suivi l'armée de Charles Quint dans son expédition en Afrique. Il nous a laissé, en tant que témoin oculaire, un récit de première importance sur la prise de Mahdia et de la destruction de ses fortifications par les espagnols [1].
Dans l'extrait ci-dessous, Marmol nous décrit les superbes remparts fâtimides de Mahdia :
"De la ville d'Afrique [Mahdia]
Marmol Carvajol, historien, écrivain et soldat, a suivi l'armée de Charles Quint dans son expédition en Afrique. Il nous a laissé, en tant que témoin oculaire, un récit de première importance sur la prise de Mahdia et de la destruction de ses fortifications par les espagnols [1].
Dans l'extrait ci-dessous, Marmol nous décrit les superbes remparts fâtimides de Mahdia :
"De la ville d'Afrique [Mahdia]
C'est une grande ville ruinée de notre temps par Charles Quint comme nous dirons ensuite. C'était l'ancienne Adrumette des Romains que Ptolémée met à trente degrés quarante minutes de longitude et à trente deux quarante minutes de latitude. Depuis ce temps-là le Calife schismatique de Kairouan la fortifia et la nomma de son nom Mahdia. Elle est bâtie comme une île sur une pointe de terre qui avance dans la mer à quatre lieues de Tobulba vers le Levant. Elle était bien murée et garnie de tours et batue des flots de la mer de tous côtés hormis en un espace de trois cent cinquante pas par où elle tenait à la terre. Mais cet endroit était occupé par un château construit dans le mur qui était massif jusqu'au cordon [2] et avait quarante pieds d'épaisseur avec six tours éloignées l'une de l'autre et massives aussi qui avançaient de quarante pieds en dehors jusqu'à la barbacane du ravelin [3]. Au haut [à l'arrière] de ce château il y avait deux murailles qui répondaient l'une à la ville et l'autre à la campagne et entre ces murailles et le vuide [vide] des tours étaient les appartements du Gouverneur et des soldats. Les quatre tours du milieu étaient carrées mais les deux autres qui étaient battues des flots de la mer étaient rondes et hautes [4]. Elles avaient toutes de petites portes couvertes de lames de fer et si basses qu'on n'y pouvait entrer qu'en se baissant de sorte que chaque tour était une forteresse séparée. En la seconde tour carrée vers le Levant était la porte principale et il n'y en avait point d'autre du côté de la terre. Cette porte avait une grande voûte obscure [5] sous la tour et six portes à la file couvertes de lames de fer et les secondes portes en entrant par dehors étaient faites de grosses barres de fer et enclavées ensemble sans aucun bois et en chacune il y avait un lion en bronze relevé en bosse qui se regardaient l'un l'autre [6]. Ces portes n'étaient pas plates mais courbées en dehors et elles avaient toutes leurs herses de fer et leurs retraites qui tombaient du haut de la tour à huit pas ou environ du haut de ce mur. Il y en avait un autre plus bas qui servait de fausse braie et avait douze pieds d'épaisseur et neuf tours si bien comparées que les trois répondaient à deux du fort. Et en celle du milieu il y avait une porte du côté tournée au Levant. La ville avait cinq mille trois cent pas de circuit et des tours de trente en trente pas. L'arsenal regardait l'Orient près d'une grande Mosquée bien bâtie qui tenait au mur. Au bout de la ville vers le Septentrion, il y a une hauteur sur laquelle s'élevait une tour qui découvrait toute la mer. Au dedans de la ville était un port fermé où l'on entrait par une voûte faite dans le mur où l'on refermait les galères et les autres petits vaisseaux [5]; mais pour les grands il y avait un hâvre raisonnable. Devant la ville du côté du Midi étaient des collines chargées de vignes et de maisons de plaisance et vers le Levant des jardins et des vergers qui s'arrosaient par le moyen de quelques puits. Les terres labourables aboutissaient à une montagne qui traverse de l'Orient au Couchant derrière laquelle il y a de grandes campagnes où errent les Arabes l'hiver parce qu'il y a de bons pâturages pour les troupeaux autour de quelques lacs qui s'y forment. Cette ville fut fort splendide lorsqu'elle était au pouvoir des Romains et fut prise avec Carthage par les successeurs de Mahomet qui la ruinèrent de fond en comble jusqu'à ce que le Mahdi la rétablit et bâtit le mur dont nous parlons et y établissant son trône la repeupla et la rendit considérable. Après sa mort, il y eut de grandes révolutions en Afrique et sur le déclin de l'empire des Califes de Kairouan quelques corsaires de Sicile se saisirent de cette place et lui donnèrent le nom d'Afrique. Les Chrétiens l'ont possédée ensuite jusqu'à ce qu'un Roi du Maroc de la lignée des Almohades la conquît. Elle a toujours été depuis au pouvoir des Mahométans sinon lorsqu'on la reprit sur Dragut. Le Comte Pedro Navarre l'avait attaquée auparavant mais les Maures la défendirent si courageusement qu'ils le firent retirer avec perte. Les habitants de cette ville étaient légers et inconstants et s'étaient révoltés plusieurs fois contre les Rois de Tunis et furent quelques temps en liberté si ce n'est lorsque Dragut s'en saisit comme nous allons dire."
Source : L'Afrique de Marmol, tome II, traduction de Nicolas Perrot d'Ablancourt, Paris, 1667, pp. 502-3.
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[1] L'Afrique de Marmol, traduction de Nicolas Perrot d'Ablancourt, Paris, 1667
[2] Le cordon est, en architecture, une grosse moulure qui court autour d'une muraille ou d'un bâtiment
[3] Les dimensions de ce mur (40 pieds qui correspondent à 11, 12 m) semblent bien trop importantes pour être vraies pour l'époque, selon L. Golvin, car une telle épaisseur n'a été retrouvée nulle part ailleurs dans le monde musulman.
[4] Deux murailles sur l'isthme gardaient l'entrée à Mahdia. La muraille du côté de la ville de Mahdia (soit la muraille intérieure) possédait 4 tours carrées et deux tours octogonales (et non rondes, comme l'écrit Marmol) aux extrêmités. C'est sur cette deuxième muraille que se trouvail le monumental porche connu sous le nom de Skifa Kahla ("le vestibule sombre")
[5] Cette voûte obscure dont parle Marmol est le fameux monumental porche appelé Skifa Kahla qui gardait l'entrée à Mahdia. Concernant l'aspect massif des portes, l'historien andalou al-Bakri (m. en 1094) écrit : "la ville d'el-Mehdiya a deux portes de fer, dans lesquelles on n'a pas fait entrer le moindre morceau de bois, chaque porte pèse mille quintaux et a trente empans de hauteur ; chacun des clous dont elles sont garnies pèse six livres, sur ces portes on a représenté plusieurs animaux." Et Ibn Hawqal qui visita Mahdia en 947 écrit pour sa part : "Elle [Mahdia] a une belle muraille, solidement fortifiée, en pierre ; celle-ci est munie de deux portes, dont je n'ai vu l'équivalent ni rien de comparable en aucun point de la terre..."
[6] Les deux tours situées de chaque côté de l'entrée du port comportaient une chaîne que l'on pouvait fermer pour empêcher les navires ennemies d'y pénétrer.
[1] L'Afrique de Marmol, traduction de Nicolas Perrot d'Ablancourt, Paris, 1667
[2] Le cordon est, en architecture, une grosse moulure qui court autour d'une muraille ou d'un bâtiment
[3] Les dimensions de ce mur (40 pieds qui correspondent à 11, 12 m) semblent bien trop importantes pour être vraies pour l'époque, selon L. Golvin, car une telle épaisseur n'a été retrouvée nulle part ailleurs dans le monde musulman.
[4] Deux murailles sur l'isthme gardaient l'entrée à Mahdia. La muraille du côté de la ville de Mahdia (soit la muraille intérieure) possédait 4 tours carrées et deux tours octogonales (et non rondes, comme l'écrit Marmol) aux extrêmités. C'est sur cette deuxième muraille que se trouvail le monumental porche connu sous le nom de Skifa Kahla ("le vestibule sombre")
[5] Cette voûte obscure dont parle Marmol est le fameux monumental porche appelé Skifa Kahla qui gardait l'entrée à Mahdia. Concernant l'aspect massif des portes, l'historien andalou al-Bakri (m. en 1094) écrit : "la ville d'el-Mehdiya a deux portes de fer, dans lesquelles on n'a pas fait entrer le moindre morceau de bois, chaque porte pèse mille quintaux et a trente empans de hauteur ; chacun des clous dont elles sont garnies pèse six livres, sur ces portes on a représenté plusieurs animaux." Et Ibn Hawqal qui visita Mahdia en 947 écrit pour sa part : "Elle [Mahdia] a une belle muraille, solidement fortifiée, en pierre ; celle-ci est munie de deux portes, dont je n'ai vu l'équivalent ni rien de comparable en aucun point de la terre..."
[6] Les deux tours situées de chaque côté de l'entrée du port comportaient une chaîne que l'on pouvait fermer pour empêcher les navires ennemies d'y pénétrer.
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