En 1907, Pierre Loti séjourne en Egypte. Il nous livre ses impressions de voyage dans La mort de Philae qui paraîtra en 1909.
Par delà les évocations toujours poétiques des lieux visités, Pierre Loti lance un véritable cri de désespoir et de haine et nous offre une description particulièrement sombre et désespérée de l'Egypte.
Par delà les évocations toujours poétiques des lieux visités, Pierre Loti lance un véritable cri de désespoir et de haine et nous offre une description particulièrement sombre et désespérée de l'Egypte.
Cri de désespoir contre les ravages provoqués par une exploitation sans vergogne des ressources du pays par des puissances coloniales sans scrupules ; exploitation qui détruit les beautés naturelles et bouleverse un éco-système fragile qui engendre alors désordre climatique, pestilence, pollution et maladies dans le pays.
Cri de haine contre les hordes de touristes, imbéciles et arrogants, qui déferlent par bâteaux entiers dans le pays. Leur arrivée en masse ruine l'authenticité des paysages et des lieux historiques par une construction anarchique des infrastructures touristiques. Tout cela, déjà au début du XXe siècle.
Face à ces bouleversements, Pierre Loti craint pour l'Egypte. Il craint que les égyptiens ne perdent leur identité nationale et leur âme. Il dénonce le colonialisme et prend fait et cause pour le mouvement indépendantiste égyptien. On remarquera d'ailleurs dans l'extrait ci-dessous, le lien amical qui unissait Pierre Loti à Mustapha Kamil Pacha, l'un des principaux artisans de l'indépendance de l'Egypte. Mustapha Kamil mourra en 1908, peu avant la parution de La mort de Philae et c'est à lui que Pierre Loti dédiera son livre.
La mort de Philae est probablement le plus juste, le plus visionnaire et le plus poignant des récits de voyages rapportés par Pierre Loti.
Dans l'extrait ci-dessous, l'auteur nous fait visiter al-Azhar. Cette mosquée fut fondée en 972 par les Fâtimides, juste après leur conquête de l'Egypte en 969. Elle sera transformée en 988, sous le règne de l'Imam-Calife al-Aziz, en une université, l'une des premières du monde musulman. De nous jours, al-Azhar est la plus haute autorité religieuse pour les sunnites et demeure toujours l'un des établissements d'enseignement parmi les plus prestigieux dans le monde musulman.
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Cri de haine contre les hordes de touristes, imbéciles et arrogants, qui déferlent par bâteaux entiers dans le pays. Leur arrivée en masse ruine l'authenticité des paysages et des lieux historiques par une construction anarchique des infrastructures touristiques. Tout cela, déjà au début du XXe siècle.
Face à ces bouleversements, Pierre Loti craint pour l'Egypte. Il craint que les égyptiens ne perdent leur identité nationale et leur âme. Il dénonce le colonialisme et prend fait et cause pour le mouvement indépendantiste égyptien. On remarquera d'ailleurs dans l'extrait ci-dessous, le lien amical qui unissait Pierre Loti à Mustapha Kamil Pacha, l'un des principaux artisans de l'indépendance de l'Egypte. Mustapha Kamil mourra en 1908, peu avant la parution de La mort de Philae et c'est à lui que Pierre Loti dédiera son livre.
La mort de Philae est probablement le plus juste, le plus visionnaire et le plus poignant des récits de voyages rapportés par Pierre Loti.
Dans l'extrait ci-dessous, l'auteur nous fait visiter al-Azhar. Cette mosquée fut fondée en 972 par les Fâtimides, juste après leur conquête de l'Egypte en 969. Elle sera transformée en 988, sous le règne de l'Imam-Calife al-Aziz, en une université, l'une des premières du monde musulman. De nous jours, al-Azhar est la plus haute autorité religieuse pour les sunnites et demeure toujours l'un des établissements d'enseignement parmi les plus prestigieux dans le monde musulman.
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Un centre d'Islam (1)
"S'instruire est le devoir
de tout musulman."
Un verset des Hadices ou Paroles du Prophète.)
"Dans une rue étroite, perdue au milieu des plus anciens quartiers arabes du Caire, en plein dédale encore serré et mystérieusement ombreux, une porte exquise s'ouvre sur l'espace libre que le soleil inonde ; elle est à deux arceaux ouvragés ; elle est surmontée d'un fronton où des arabesques s'enchevêtrent pour former des rosaces inconnues, et où de saintes écritures s'enroulent avec des complications savantes.
C'est l'entrée d'Al-Azhar, un lieu vénérable en Islam, d'où sont parties, pendant près de mille ans, les générations de prêtres et de docteurs chargés de répandre la parole du Prophète sur les peuples, depuis le Maghreb jusqu'à la mer d'Arabie, en passant par les grands déserts. Vers la fin de notre Xe siècle, les glorieux khalifes Fatimides avaient édifié cet immense assemblage d'arceaux et de colonnes, qui devint le siège de l'université musulmane la plus renommée du monde, et que, depuis lors, tous les souverains de l'Egypte ne cessèrent de compléter, d'agrandir, ajoutant des salles nouvelles, des galeries, des minarets, jusqu'à faire d'Al-Azhar presque une ville au milieu de la ville.
"Celui qui recherche l'instruction est
plus aimé de Dieu que celui qui combat
dans une guerre sainte."
(Un verset des Hadices.)
Onze heures, par une journée d'ardent soleil et de pure lumière ; Al-Azhar vibre encore d'un multiple bruissement de voix, bien que les leçons du matin soient près de finir.
Une fois franchi le seuil de la double porte ouvragée, voici d'abord la cour, en ce moment vide comme un désert, et éblouissante de soleil. Au-delà, tout ouverte, la mosquée déploie ses arcades sans fin, qui se continuent, se répètent, se perdent très loin sous l'obscurité des plafonds, et, dans ce lieu demi-obscur, aux profondeurs confuses, d'innombrables personnages coiffés du turban, accroupis en foule pressée, récitent ou psalmodient tout bas, avec un léger balancement des reins comme pour scander leur déclamation chantante : ce sont les dix mille étudiants venus de tous les points de la terre pour s'imprégner de l'immuable doctrine d'Al-Azhar.
A première vue, on les aperçoit mal, car ils sont loin dans l'ombre, et ici on est aveuglé de rayons ; par petits groupes attentifs, de dix ou vingt, assis sur des nattes autour d'un grave professeur, ils répètent docilement leurs leçons, qui depuis des siècles ont vieilli sans changer comme l'Islam. Ceux qui tiennent cercle tout à fait là-bas, dans les nefs du fond où le jour arrive à peine, comment donc y voient-ils pour déchiffrer sur les feuillets de leurs vieux livres les si difficiles écritures ?
En tout cas, gardons-nous de les troubler, - comme tant de touristes, de nous jours, ne craignent pas de le faire ; nous entrerons un peu plus tard, quand l'étude du matin sera terminée.
Cette cour, où le soleil de onze heures darde son feu blanc, est un enclos sévèrement et magnifiquement arabe ; il nous a isolés soudain du temps et des choses ; il doit porter à la prière musulmane, de même que jadis nos cloîtres gothiques portaient à la prière chrétienne. Il est vaste comme un carrousel. D'un côté, il confine à la mosquée même, et partout ailleurs on l'a muré si haut que rien du dehors ne s'y devine plus : des murailles de couleur fauve, où tant de siècles de soleil ont mis des tons d'ardeur, ont produigué la terre de Sienne et la sanguine ; des murailles qui par le bas sont droites, simples, d'une austérité un peu farouche, mais dont la crête, ornementée minutieusement et toute couronnée de créneaux à jours, profile sur le ciel des séries de fines découpures de pierre. Et, au-dessus de cette sorte de dentelle rougeâtre du faîte, qui est là comme pour encadrer le vide si profond et si bleu au-dessus de nous, on voit pointer éperdument tout les minarets d'alentour, rouges aussi, plus rouges encore que la jalouse enceinte, et bordés d'arabesques, ajourés, compliqués de galeries aériennes ; les uns presque lointains, les autres effrayants d'être si proches et d'escalader le zénith ; tous saisissants et étranges avec leurs croissants qui brillent et avec leurs bâtons tendus pour appeler les grands oiseaux de l'espace. Malgré soi on lève la tête, fasciné par toute cette beauté qui est en l'air : rien d'autre pourtant que ce carré de ciel merveilleux, sorte de limpide saphir tout enchâssé dans des crénelures d'Al-Azhar, et où montent se perdre les si audacieuses tours fuselées. On est en plein Orient religieux d'autrefois, et on sent combien, sur l'imagination des jeunes prêtres qui se forment ici, doit influer le mystère de cette cour grandiose, où tout le luxe architectural ne consiste qu'en purs dessins géométriques répétés à l'infini, et ne commence d'ailleurs que très haut, sur les couronnements et les minarets en contact avec le bleu éternel.
"Tel qui instruit les ignorants est
comme un vivant parmi des morts.
"Si un jour se passe sans que j'aie
appris quelque chose qui m'approche de Dieu,
que l'aube de ce jour ne soit pas bénie."
(Versets des Hadices.)
Celui qui m'amène aujourd'hui dans ce lieu est mon ami Moustafa Kamel Pacha, le tribun de l'Egypte, et je dois à sa présence de n'être pas traité comme un visiteur quelconque : on s'empresse d'informer le grand maître de l'université d'Al-Azhar, haut personnage en Islam, dont Moustafa fut jadis l'élève, et qui, sans doute, voudra nous accueillir lui-même.
C'est dans une salle très arabe, meublée seulement de divans, que nous reçoit ce grand maître aux simplicités d'ascète et aux élégantes manières de prélat. Son regard et même tout son visage disent combien doit être lourd le sacerdoce qu'il exerce : présider à l'instruction de tant et tant de jeunes prêtres qui iront ensuite porter la foi, la paix et l'immobilité à plus de trois cents millions d'hommes.
Et les voici bientôt, Moustafa pacha et lui, dissertant - comme s'il s'agissait d'un fait d'intérêt actuel - sur un point controversé des événements qui suivirent la mort du prophète, et sur le rôle d'Ali... Oh! combien alors mon ami Moustafa, que j'ai vu si Français en France, m'apparaît tout à coup musulman jusqu'au fond de l'âme ! [...]
En attendant que finissent les cours du matin, on nous promène dans les dépendances d'Al-Azhar. Des salles de toutes les époques, annexées les unes après les autres et formant un peu labyrinthe ; plusieurs contiennent des mihrabs, qui sont, comme on sait, des espèces de portiques toujours festonnés et dentelés comme s'ils étaient ruisselants de gouttes de givre. Des bibliothèques et des bibliothèques, dont les plafonds de cèdre ont été sculptés aux temps où l'on avait le loisir et la patience. Par milliers de précieux manuscrits d'érudition, qui datent bien de quelques siècles, mais qui, en ce pays, ne se démodent point. Ouverts dans des vitrines, plusieurs Corans inestimables, qui furent jadis calligraphiés et enluminés sur parchemin par de pieux khédives. Et, à une place d'honneur, une grande lunette astronomique pour observer le lever de la lune du Ramadan... Tout cela sent beaucoup le passé. D'ailleurs ce que l'on enseigne aujourd'hui aux dix mille étudiants d'Al-Azhar diffère à peine de ce qu'on leur enseignait sous le règne glorieux des Fâtimides, - et qui était alors transcendant ou même nouveau ; le Coran et tous ses commentaires ; les subtilités de la syntaxe et de la prononciation ; la jurisprudence ; la calligraphie, qui est restée chère aux Orientaux ; la versification ; enfin ces mathématiques dont les Arabes furent les inventeurs.
Oui, tout cela sent le passé, la poussière des âges révolus. Et certes les prêtres formés dans cette université de mille ans pourront devenir des esprits d'élite, de nobles et calmes rêveurs, mais ne seront jamais ques des retardataires, ancrés bien à l'abri du tourbilon qui nous emporte."
de tout musulman."
Un verset des Hadices ou Paroles du Prophète.)
"Dans une rue étroite, perdue au milieu des plus anciens quartiers arabes du Caire, en plein dédale encore serré et mystérieusement ombreux, une porte exquise s'ouvre sur l'espace libre que le soleil inonde ; elle est à deux arceaux ouvragés ; elle est surmontée d'un fronton où des arabesques s'enchevêtrent pour former des rosaces inconnues, et où de saintes écritures s'enroulent avec des complications savantes.
C'est l'entrée d'Al-Azhar, un lieu vénérable en Islam, d'où sont parties, pendant près de mille ans, les générations de prêtres et de docteurs chargés de répandre la parole du Prophète sur les peuples, depuis le Maghreb jusqu'à la mer d'Arabie, en passant par les grands déserts. Vers la fin de notre Xe siècle, les glorieux khalifes Fatimides avaient édifié cet immense assemblage d'arceaux et de colonnes, qui devint le siège de l'université musulmane la plus renommée du monde, et que, depuis lors, tous les souverains de l'Egypte ne cessèrent de compléter, d'agrandir, ajoutant des salles nouvelles, des galeries, des minarets, jusqu'à faire d'Al-Azhar presque une ville au milieu de la ville.
"Celui qui recherche l'instruction est
plus aimé de Dieu que celui qui combat
dans une guerre sainte."
(Un verset des Hadices.)
Onze heures, par une journée d'ardent soleil et de pure lumière ; Al-Azhar vibre encore d'un multiple bruissement de voix, bien que les leçons du matin soient près de finir.
Une fois franchi le seuil de la double porte ouvragée, voici d'abord la cour, en ce moment vide comme un désert, et éblouissante de soleil. Au-delà, tout ouverte, la mosquée déploie ses arcades sans fin, qui se continuent, se répètent, se perdent très loin sous l'obscurité des plafonds, et, dans ce lieu demi-obscur, aux profondeurs confuses, d'innombrables personnages coiffés du turban, accroupis en foule pressée, récitent ou psalmodient tout bas, avec un léger balancement des reins comme pour scander leur déclamation chantante : ce sont les dix mille étudiants venus de tous les points de la terre pour s'imprégner de l'immuable doctrine d'Al-Azhar.
A première vue, on les aperçoit mal, car ils sont loin dans l'ombre, et ici on est aveuglé de rayons ; par petits groupes attentifs, de dix ou vingt, assis sur des nattes autour d'un grave professeur, ils répètent docilement leurs leçons, qui depuis des siècles ont vieilli sans changer comme l'Islam. Ceux qui tiennent cercle tout à fait là-bas, dans les nefs du fond où le jour arrive à peine, comment donc y voient-ils pour déchiffrer sur les feuillets de leurs vieux livres les si difficiles écritures ?
En tout cas, gardons-nous de les troubler, - comme tant de touristes, de nous jours, ne craignent pas de le faire ; nous entrerons un peu plus tard, quand l'étude du matin sera terminée.
Cette cour, où le soleil de onze heures darde son feu blanc, est un enclos sévèrement et magnifiquement arabe ; il nous a isolés soudain du temps et des choses ; il doit porter à la prière musulmane, de même que jadis nos cloîtres gothiques portaient à la prière chrétienne. Il est vaste comme un carrousel. D'un côté, il confine à la mosquée même, et partout ailleurs on l'a muré si haut que rien du dehors ne s'y devine plus : des murailles de couleur fauve, où tant de siècles de soleil ont mis des tons d'ardeur, ont produigué la terre de Sienne et la sanguine ; des murailles qui par le bas sont droites, simples, d'une austérité un peu farouche, mais dont la crête, ornementée minutieusement et toute couronnée de créneaux à jours, profile sur le ciel des séries de fines découpures de pierre. Et, au-dessus de cette sorte de dentelle rougeâtre du faîte, qui est là comme pour encadrer le vide si profond et si bleu au-dessus de nous, on voit pointer éperdument tout les minarets d'alentour, rouges aussi, plus rouges encore que la jalouse enceinte, et bordés d'arabesques, ajourés, compliqués de galeries aériennes ; les uns presque lointains, les autres effrayants d'être si proches et d'escalader le zénith ; tous saisissants et étranges avec leurs croissants qui brillent et avec leurs bâtons tendus pour appeler les grands oiseaux de l'espace. Malgré soi on lève la tête, fasciné par toute cette beauté qui est en l'air : rien d'autre pourtant que ce carré de ciel merveilleux, sorte de limpide saphir tout enchâssé dans des crénelures d'Al-Azhar, et où montent se perdre les si audacieuses tours fuselées. On est en plein Orient religieux d'autrefois, et on sent combien, sur l'imagination des jeunes prêtres qui se forment ici, doit influer le mystère de cette cour grandiose, où tout le luxe architectural ne consiste qu'en purs dessins géométriques répétés à l'infini, et ne commence d'ailleurs que très haut, sur les couronnements et les minarets en contact avec le bleu éternel.
"Tel qui instruit les ignorants est
comme un vivant parmi des morts.
"Si un jour se passe sans que j'aie
appris quelque chose qui m'approche de Dieu,
que l'aube de ce jour ne soit pas bénie."
(Versets des Hadices.)
Celui qui m'amène aujourd'hui dans ce lieu est mon ami Moustafa Kamel Pacha, le tribun de l'Egypte, et je dois à sa présence de n'être pas traité comme un visiteur quelconque : on s'empresse d'informer le grand maître de l'université d'Al-Azhar, haut personnage en Islam, dont Moustafa fut jadis l'élève, et qui, sans doute, voudra nous accueillir lui-même.
C'est dans une salle très arabe, meublée seulement de divans, que nous reçoit ce grand maître aux simplicités d'ascète et aux élégantes manières de prélat. Son regard et même tout son visage disent combien doit être lourd le sacerdoce qu'il exerce : présider à l'instruction de tant et tant de jeunes prêtres qui iront ensuite porter la foi, la paix et l'immobilité à plus de trois cents millions d'hommes.
Et les voici bientôt, Moustafa pacha et lui, dissertant - comme s'il s'agissait d'un fait d'intérêt actuel - sur un point controversé des événements qui suivirent la mort du prophète, et sur le rôle d'Ali... Oh! combien alors mon ami Moustafa, que j'ai vu si Français en France, m'apparaît tout à coup musulman jusqu'au fond de l'âme ! [...]
En attendant que finissent les cours du matin, on nous promène dans les dépendances d'Al-Azhar. Des salles de toutes les époques, annexées les unes après les autres et formant un peu labyrinthe ; plusieurs contiennent des mihrabs, qui sont, comme on sait, des espèces de portiques toujours festonnés et dentelés comme s'ils étaient ruisselants de gouttes de givre. Des bibliothèques et des bibliothèques, dont les plafonds de cèdre ont été sculptés aux temps où l'on avait le loisir et la patience. Par milliers de précieux manuscrits d'érudition, qui datent bien de quelques siècles, mais qui, en ce pays, ne se démodent point. Ouverts dans des vitrines, plusieurs Corans inestimables, qui furent jadis calligraphiés et enluminés sur parchemin par de pieux khédives. Et, à une place d'honneur, une grande lunette astronomique pour observer le lever de la lune du Ramadan... Tout cela sent beaucoup le passé. D'ailleurs ce que l'on enseigne aujourd'hui aux dix mille étudiants d'Al-Azhar diffère à peine de ce qu'on leur enseignait sous le règne glorieux des Fâtimides, - et qui était alors transcendant ou même nouveau ; le Coran et tous ses commentaires ; les subtilités de la syntaxe et de la prononciation ; la jurisprudence ; la calligraphie, qui est restée chère aux Orientaux ; la versification ; enfin ces mathématiques dont les Arabes furent les inventeurs.
Oui, tout cela sent le passé, la poussière des âges révolus. Et certes les prêtres formés dans cette université de mille ans pourront devenir des esprits d'élite, de nobles et calmes rêveurs, mais ne seront jamais ques des retardataires, ancrés bien à l'abri du tourbilon qui nous emporte."
Pierre Loti, Un centre d'Islam, in La mort de Philae, France Loisirs, 1990
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