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vendredi 15 janvier 2010

Al-Hâkim et le Dar al-'ilm (La Maison de la Science)

Une bibliothèque à Bassora. Les livres étaient rangés à plat dans des casiers. L'ouvrage dont est tirée l'illustration sont les Maqâmât (Séances) d'al-Hariri. Cette oeuvre littéraire a été copiée et illustrée de nombreuses fois. Néanmoins, la copie ci-dessus, réalisée par al-Wasiti à Bagdad en 1237 constitue un chef-d'oeuvre de la peinture arabe. BNF

Chacun connaît le Bayt al-hikma, la Maison de la Sagesse, fondé par le Calife abbasside al-Ma'mun (r. 813-833) à Bagdad et qui devint l'un des plus brillants centres intellectuels du monde musulman. Peu, en revanche, connaissent le Dar al-ilm, la Maison de la Science, fondé par l'Imam-Calife fatimide al-Hâkim (r. 996-1021) au Caire, en avril 1005. Le Dar al-'ilm fut au XIe siècle le plus grand et le plus brillant centre de savoir de son époque. Sa bibliothèque, par le nombre et la qualité des ouvrages détenus, était considérée comme l'une des merveilles du monde. Selon Youssef Eche, auteur de Les bibliothèques arabes, la particularité du Dar al-'ilm par rapport au Bayt al-hikma, résidait dans le fait que le premier était ouvert à toutes les sciences, le second privilégiait davantage les disciplines philosophiques et religieuses. Le terme Maison de la Science indique d'ailleurs une orientation plus laïque de l'établissement [1]. Néanmoins, le terme Bayt al-hikma (Maison de la Sagesse ou de la Philosophie) était parfois également appliqué pour désigner le Dar al-ilm, comme le fait l'historien al-Maqrizi dans l'extrait ci-dessous.
Al-Maqrizi (1364-1442), historien égyptien, auteur d'ouvrages remarquables par leur érudition et leur curiosité intellectuelle, nous décrit le Dar al-ilm dans son Mémoires géographiques et historiques sur l'Egypte [2]:

"Au nord et à peu de distance du palais occidental, était la Maison de la Science, dans laquelle on entrait par la porte des Marchands de paille, que l'on nomme aujourd'hui la galerie de Kharanschaf. L'emplacement de la Maison de la Science est occupé maintenant par la maison de Khadiri, située dans la rue du même nom, vis-à-vis la mosquée al-Aqmar. La Maison de la Science fut bâtie par Hâkim bi-amr-Allah, et subsista jusqu'à ce qu'elle fût détruite par al-Afdal, fils de Badr al-Jamali. Le samedi, dixième jour du mois de Djoumady second, de l'an 395, on ouvrit au Caire la maison nommée Maison de la Philosophie ; on y installa des jurisconsultes, et l'on y transporta des livres tirés des bibliothèques du palais. Chacun avait la liberté d'entrer, et de lire ou copier tout ce qu'il voulait. Cette Maison fut ornée avec soin, décorée de tapis et de rideaux, et l'on y attacha des intendants et des valets de chambre, pour en faire le service. Ensuite on y établit des lecteurs, des astronomes, des grammairiens et des médecins. La bibliothèque qu'al-Hâkim y avait fait porter, renfermait des ouvrages sur toutes sortes de matières, des livres copiés de la main des plus célèbres calligraphes, et formait la collection la plus nombreuse qu'aucun prince eût jamais rassemblée. Tous ces manuscrits étaient à la disposition de ceux qui voulaient ou les lire ou les examiner. Al-Hâkim, par une munificence bien louable, et dont on n'avait pas d'exemple jusqu'à lui, assigna un traitement annuel aux jurisconsultes et à tous ceux qui étaient attachés à cette Maison. Tout le monde y était admis sans distinction. Les uns venaient pour lire les livres, d'autres pour prendre des copies, d'autres pour écouter les leçons des différents professeurs. On y trouvait l'encre, le papier et les plumes dont on pouvait avoir besoin.
L'an 403, al-Hâkim manda plusieurs mathématiciens, logiciens, jurisconsultes et médecins, attachés à la Maison de la Science. Chaque classe de savants fut appelée séparément, pour conférer en présence du Calife qui les combla de dons, et les fit tous revêtir de robes d'honneur. Ce prince, par un acte authentique, dressé en présence du Cadi des cadis, Malik bin Saïd, assigna le revenu de plusieurs édifices de Fostat, pour l'entretien de différentes mosquées. Voici ce qu'on y trouve relativement à la Maison de la Science. Le dixième de la somme, montant annuellement à deux cent cinquante-sept dinars africains, sera destiné exclusivement pour les objets nécessaires à la maison de la Philosophie, savoir : pour les nattes, dix dinars ; pour les gages du copiste, quatre-vingt-dix dinars ; pour le bibliothécaire, quarante-huit dinars ; pour le valet de chambre, quinze dinars ; pour le papier, l'encre et les plumes, à l'usage des jurisconsultes attachés à cette Maison, douze dinars ; pour la réparation des livres qui pourraient se trouver endommagés, ou dont quelques feuillets seraient arrachés, douze dinars ; pour les tapis destinés à couvrir le plancher pendant l'hiver, neuf dinars."
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[1] Youssef Eche, Les bibliothèques arabes, Damas, 1967, pp. 67-97
[2] Al-Maqrizi, Mémoires géographiques et historiques sur l'Egypte, Quatremère, 1811

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