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mercredi 30 décembre 2009

Une mosquée aux courbes féminines à Istanbul

La salle de prière de la mosquée Sakirin réalisée par l'architecte Zeyneb Fadillioglu à Istanbul. C'est la première mosquée en Turquie, et sans doute dans le monde, conçue par une femme. Les murs de la salle de prière sont en verres et imitent par leur design les pages d'un Coran enluminé. Au centre du mur, le mihrab, en bleu et or, en forme de coquillage et de croissant de lune, indique la direction vers laquelle il faut se tourner pour prier. Sur sa droite, le mihrab, la chaire, d'où l'imam de la mosquée fait son sermon.

La Turquie a connu au XVIe siècle un des plus grands génies de l'architecture en la personne de Sinan (1489-1588), le grand constructeur des chefs-d'oeuvre que sont les mosquées de la Selimiye (Edirne), de la Suleymaniye (Istanbul) ou encore de celle de la Sokullu Mehmet Pacha (Istanbul).
Une magnifique mosquée, la Sakirin, vient de voir le jour à Istanbul. Si les fondations pieuses financées par des femmes en Islam sont une tradition comme l'atteste la construction de la célèbre et magnifique mosquée al-Karaouine à Fez par Fatima el-Fehri au IXe siècle, la mosquée Sakarine est la première en Turquie, et probablement aussi dans le monde, à être conçue et réalisée par une femme architecte. Il s'agit de la designer et architecte d'intérieur, Zeynep Fadillioglu. Je reproduis ci-dessous un article paru dans le quotidien suisse, 24 heures. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur cette architecte, ils sont invités à cliquer ici pour lire un article de Guillaume Perrier paru dans Le Monde. Et, pour admirer la Sakirin sous toutes ses facettes, vous pouvez cliquer ici.

"Zeynep Fadillioglu était surtout connue pour avoir réalisé la décoration intérieure de restaurants chics et branchés à Istanbul et à Londres. Cette designer turque de 53 ans exerce désormais ses talents artistiques dans la construction...d'une mosquée.
Situé sur la rive asiatique de la mégapole turque, l'édifice a été commandé par une riche famille turco-saoudienne. "J'ai pleuré quand le projet m'a été proposé, raconte-t-elle. A ma connaissance, jamais une telle tache n'avait été confiée à une femme auparavant."
A la tête d'une équipe d'architectes, "essentiellement féminine", Zeyneb Fadillioglu a conçu une mosquée lumineuse et douce, une synthèse d'avant-garde et d'art traditionnel. Le dôme en aluminium a été réalisé par le designer britannique William Pye. Dans la cour, les minarets se reflètent dans le miroir de la fontaine aux ablutions. Dans la salle, les murs en verre ouvrent sur le monde extérieur. Des écritures stylisées, reprenant le rythme des versets coraniques, ondulent le long des parois. Tel un écrin, ces volutes dorées envelopperont les fidèles.
"Je veux que les gens s'approprient le lieu, qu'ils s'y sentent en paix, explique-t-elle. Il fallait donc doser l'innovation afin de ne pas les effrayer." Un moment, elle a eu un doute sur la forme de coquillage du mihrab - la niche dans laquelle l'imam conduit la prière. "Mais le mufti (ndlr : dignitaire religieux) a adoré."
Donner l'exemple
Sa grande fierté, c'est la place réservée aux femmes dans la mosquée. Zeynep Fadillioglu a voulu un endroit ouvert, qui donnera l'exemple. "Dans certains coins d'Anatolie, la section des femmes est reléguée à côté des toilettes, critique-t-elle. Une telle ségrégation n'existait pas à l'époque du Prophète."
La Turquie, république laïque, a accordé très tôt des droits aux femmes : celui de voter par exemple, obtenu en 1934, de divorcer ou d'avorter. Mais un islam patriarcal pèse encore sur une grande partie des Turques.
Pur produit de la grande bourgeoisie laïque d'Istanbul, cette architecte d'intérieur revendique son identité musulmane, tout en étant très peu pratiquante. Elle reconnaït d'ailleurs "avoir eu quelques préjugés avant de faire travailler ensemble des calligraphes, spécialistes de l'art religieux, et des artistes contemporains. En fait, tout s'est très bien passé." Les critiques sont plutôt venues de certaines de ses amis, farouchement laïques. Car la société reste divisée sur la place que doit occuper la religion dans l'espace public.
Zeynep Fadillioglu espère que la mosquée dont l'ouverture au public est prévue au printemps prochain, sera un symbole d'harmonie et "qu'elle ne sera récupérée par aucun camp."

Source : 24 heures (Suisse), 6 décembre 2008, Gabrielle Danzas

L'architecte Zeynep Fadillioglu dans la salle de prière pour femmes située en haut de celle réservée aux hommes


Le dôme. La lumière entre à flots dans la mosquée. Mais le design sur les parois et les différents éléments architecturaux secondaires rappelant les moucharabiehs permettent de filtrer et de maîtriser cette lumière afin d'éviter des températures trop élevées à l'intérieur et les morsures du soleil.







La cour avec une fontaine au centre. Un dôme placé au milieu de la fontaine, renvoie l'image de toute la mosquée.

La coupole, avec au centre, un lustre composé de versets coraniques et de gouttes d'eau.

5 commentaires:

giulio a dit…

Ah, le coquillage! J'en ai le souffle coupé, Pier. Pour un peu je prendrais le prochain vol pour Istanbul. Pas de panique, je pense la même chose pour toutes les merveilles du monde que je ne verrai jamais qu'en image.
Malgré mon athéisme et mes préférences pour les architectures anciennes, je sens ma gorge se nouer d'émotion devant ce qui m'évoque Botticelli avant qu'il ne sacrifiât à Savonarole, ce fou dont les semblables n'auront jamais fini de vitupérer et d'agir contre la beauté, l'amour, le respect et l'harmonie qu'inspirent les femmes comme Zeynep Fadillioglu, Joumana Haddad ou Hypatie d'Alexandrie. La réconciliation entre l'esprit et la foi serait-elle affaire de femme?
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Pier Paolo a dit…

Oui, probablement. Rûmî ne disait-il pas que son âme était une femme. Ou encore, ce poète qui a dit que la femme est l'avenir de l'homme. En tout cas, il convient de redonner à la femme une place essentielle dans la société musulmane. Le coquillage et Boticelli, je n'avais pas fait le lien. Maintenant que tu le dis, effectivement. Quant à Istanbul, une ville vraiment fascinante tant il y a à voir. A bientôt.

Lama a dit…

Merci de ce billet Pier. On en apprend à chaque fois avec toi !

muni a dit…

Bonjour, juste une information complémentaire; le poète qui a dit "la femme est l'avenir de l'homme" n'est autre que le poète français Louis Aragon (1897-1982).
Amicalement

Pier Paolo a dit…

Merci Muni,
Votre intervention m'a permis de connaître votre blog : étonnant et étrange. Vous devriez le continuer, ne serait-ce que pour le plaisir d'écrire. Bien à vous.