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jeudi 30 juillet 2009

Le château d'al-Kahf (Syrie) : description du site

Château d'al-Kahf



Le château d'al-Kahf est le château ismaélien le plus difficile à trouver, tant il est perdu dans les replis serrés du Djebel Ansarieh (encore appelé Djebel Bahra), au milieu d'une nature sauvage et inextricable rendant l'accès à la forteresse des plus ardus. Situé dans un écrin de végétation dense et luxuriante, entouré de collines vertes et rouges de toutes parts, al-Kahf évoque quelque château du Seigneur des Anneaux. La forteresse porte particulièrement bien son nom puisqu'al-Kahf signifie "la caverne".
En raison de son inaccessibilité et également de la taille du promontoire sur lequel il se trouve, al-Kahf fut le quartier général de Rashid al-Din Sinan, le fameux "Vieux de la montagne", même si les châteaux de Masyaf et Qadmous sont également mentionnés comme son quartier général par son biographe Abu Firas. En tout cas, c'est dans cette forteresse qu'il s'établit en premier lieu, peu après son arrivée d'Alamut, et c'est à al-Kahf qu'il mourut. D'ailleurs, les fouilles archéologiques qui ont mis en évidence les infrastructures élaborées du château, nous indiquent qu'al-Kahf devait être une résidence d'un certain confort, destinée à être l'habitation d'un haut dignitaire et à recevoir des ambassades ou des personnalités de marque.
Al-Kahf fut sans doute construit dans les années 1120. Les ismaéliens achetèrent cette forteresse vers 1138 à Musa ibn Sayf al-Mulk dont le père avait déjà vendu Qadmous aux ismaéliens. Musa vendit le château aux ismaéliens de peur qu'il ne tombât entre les mains des membres rivaux de son clan. A partir de ces deux prises, les ismaéliens réussirent à enlever d'autres forteresses situées dans les alentours, telles que Rusafa, mais surtout Masyaf. L'extension de l'influence ismaélienne dans le Djebel Bahra marqua un coup d'arrêt à l'emprise et à la progression des Croisés dans cette région.
Le château d'al-Kahf est bâti sur un promontoire rocheux situé au confluent de trois vallées escarpées au fond desquelles coule une rivière. Les pentes du promontoire sont abruptes et tombent à pic. Les rivières qui coulent au pied du rocher devaient former des douves naturelles pour le château, et les falaises qui l'entourent des remparts naturels contre les envahisseurs. D'ailleurs, il semble impossible de prendre le château par une attaque surprise ou un assaut. Seul un siège long de plusieurs années, épuisant les provisions des assiégés, aurait pu éventuellement venir à bout de la forteresse. L'eau était amenée dans le château à l'aide de canaux et d'aqueducs partant des différentes sources jaillissant dans les épais sous-bois entourant al-Kahf.
Le château est orienté est-ouest. Il mesure envriron 500 mètres de long sur 40 de large. A bien des égards, la forme du château fait penser à Alamut. Le château est divisé en trois, voire quatre sections principales.
A l'ouest, nous trouvons une surface longue et plane d'environ 170 mètres, vierge de toute construction à l'exception d'une tour à son extrémité. C'est dans cette section que l'on trouve les citernes d'eau. On en dénombre sept en tout. Des canaux les relient entre elles. L'une d'elles mesure 2 mètres de large sur 10 de profondeur.
A partir des murs d'enceintes, le sol s'élève doucement jusqu'à une sorte de citadelle intérieure. Celle-ci devait occupait environ les deux-tiers de la longueur du château et contenait les pièces d'habitations.
A l'est, le rocher forme une protubérance. Les murs des fortifications à cet endroit sont particulièrement épais. Cette partie du rocher devait constituer la partie la plus vulnérable de la forteresse. Aussi, une épaisse muraille a été construite à mi-chemin entre la forteresse et le fond de la vallée sur le flanc nord de cette partie. De nos jours, toutes les constructions se trouvant sur cette protubérance ont été détruites et sa surface est envahie d'aloès, de noyers, et de chênes. En parcourant ce lieu, on a peine à imaginer que ce lieu ait pu être le quartier général de Rashid al-Din Sinan. Il faut avouer que les soldats ottomans qui furent chargés de détruire la forteresse au début du XIXe siècle s'acquittèrent particulièrement bien de leur mission.


Entrée du château d'al-Kahf


Les constructions les plus originales de ce château sont l'entrée principale et les bains ou hammans qui sont en tous points remarquables. Le château n'a qu'une seule entrée. Elle est située au nord. L'entrée est taillée dans la roche et forme une sorte de tunnel. En y pénétrant, on ne peut s'empêcher d'éprouver le sentiment d'entrer dans une grotte. D'ailleurs, nous avons vu qu' al-Kahf signifiait "la caverne".

Entrée du hammam



Les hammams, quant à eux, sont situés à une trentaine de mètres de la porte d'entrée du château. L'entrée du hammam est surmontée d'une pierre avec une inscription taillée dans la roche : "Ismail Al-Ajmi, mort au mois de Ramadan 635" (1237). Au-dessous, trois autres lignes : "Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. O vous ! Entrez ici en paix et en sécurité. Que les croyants placent leur confiance en Dieu. La construction de ce hammam béni a été ordonnée par le maître juste et sage Siraj al-Din, fils de Muzaffar ibn al-Husayn, le victorieux. Que Dieu bénisse l'humble nécessiteux de la miséricorde de Dieu et de l'intermédiation de ses maîtres, les Purs Imams (que les bénédictions et la Paix de Dieu soient sur eux). Hasan ibn Ismail al-Alamuti. Ramadan 572. L'obéissance à Lui est un devoir. LMA AD KHO". La date de 572 correspond à 1176 de l'ère chrétienne. Aucune interprétation n'a pu être donnée des mystérieuses lettres à la fin de cette épigraphe ("lma ad kho"). Elles renferment sans doute une signification ésotérique, mais sans que l'on puisse l'affirmer avec certitude.


Une pièce d'habitation du château : la chambre de Rashid al-Din Sinan ? La porte voûtée menait directement au hammam


Non loin du hammam, nous trouvons les vestiges de ce qui a pu être une pièce d'un certain luxe et confort. Les murs ont une hauteur sous plafond de 5 mètres et une épaisseur d'un mètre. Des moulures de bonne facture courent le long de la partie supérieure du mur. Côté nord, la pièce a une fenêtre avec une vue impressionnante sur le ravin en contrebas. Dans le mur du côté est, une petite porte voûtée mènait son occupant, par un passage surmonté de deux dômes, à une pièce tout à fait remarquable du château : une salle d'ablution ou d'eau. Cette salle est de forme octogonale avec quatre niches voûtées d'un mètre de haut, et comportant chacune, une sortie d'eau. On peut voir pour ces sorties d'eau, un conduit, qui est situé à une hauteur de deux-tiers de la niche en partant du bas. A côté de cette salle, nous trouvons une large pièce rectangulaire qui devait probablement faire office de réservoir d'eau. Cette eau était amené par un aqueduc dont on peut encore voir les vestiges. L'aqueduc était relié à une source située à environ deux kilomètres du château. A l'est et à l'ouest de cette salle d'eau, nous trouvons deux autres pièces comportant chacune une porte voûtée conduisant à la salle d'ablution et une porte rectangulaire menant au réservoir d'eau.

La salle des ablutions


La taille et l'architecture du hammam nous démontrent la sophistication du réseau d'alimentation en eau d'al-Kahf et nous indiquent que ce château devait être une résidence d'une importance considérable. Il est heureux que les bains aient été épargnés par la destruction. Probablement que les soldats chargés de cette basse besogne ont tout simplement négligé cette infrastructure ou bien était-elle déjà recouverte par la végétation. Ces bains ont une valeur archéologique capitale pour la compréhension des systèmes hydrauliques mis au point par les ismaéliens dans leurs forteresses, bâties généralement dans des environnements et sous des climats particulièrement rudes.
A quelques deux ou trois kilomètres à l'est du château se trouve un bâtiment comportant une chambre mortuaire surmontée d'un dôme. Les ismaéliens du coin l'indiquent comme le mausolée de Rashid-ud-Din Sinan. Le lieu fait l'objet de visites de la part des ismaéliens qui viennent y prier et honorer la mémoire de leur héros. Autour de ce bâtiment, nous trouvons d'importantes ruines : des pans de murs, des voûtes, des colonnes...qui laissent à penser que ces éléments devaient être reliés à la forteresse d'al-Kahf. Si tel est bien le cas, alors les fortifications d'al-Kahf devaient faire deux ou trois kilomètres de long. Elles nous donnent alors une idée des dimensions formidables que devait avoir ce château à l'apogée de sa puissance sous le commandement de Rashid al-Din Sinan.
La forteresse d'al-Kahf fut la dernière forteresse ismaélienne à capituler devant les mamelouks. Elle rendit les armes en 1273. Durant la période ottomane, le château devint une base militaire et servit occasionnellement de prisons pour les personnalités importantes de la Sublime Porte.

2 commentaires:

Lama a dit…

Pier Paolo, ta connaissance des châteaux et forts anciens de cette période est impressionnante ! Merci de nous faire découvrir les sites remarquables, l'histoire des ismailis par ces billets qui se lisent agréablement. Bonne continuation !
J'imagine que cette partie du Djebel Bahra n'est pas encore connue des touristes...
Lama

Pier Paolo a dit…

Le problème de la Syrie est que jusqu'à présent c'est un pays qui vivait replié sur lui-même et n'a pas beaucoup investi dans le tourisme ou dans la préservation de son patrimoine historique. Elle commmence à le faire. D'ailleurs, certaines forteresses telles celles d'Alep, le château de Saladin et Masyaf sont en cours de restauration.