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dimanche 12 juillet 2009

Attaque manquée sur Shayzar

Ruines de Shayzar. Au bas du château coule l'Oronte


En 1113, les ismaéliens furent l'objet de violentes répressions à Alep et à Apamée. Des massacres eurent lieu. Ils firent de nombreuses victimes. Les rescapés tentèrent de s'emparer de Shayzar afin de se protéger en se mettant à l'abri dans une forteresse. Malheureusement pour eux, leur tentative de prise de Shayzar allait se solder par un échec, comme nous le raconte dans son autobiographie le Prince de Shayzar lui-même, Ousama Ibn Mounqidh, qui fut le témoin oculaire de cette attaque. L'autobiographie de ce prince, vivante et colorée, consitutue une source privilégiée pour comprendre la géopolitique et les moeurs à l'époque des croisades.

"La grande peur de la ville nous vint d'un autre côté, du côté de chez nous. Il y avait, dans la région, force chiites, et des plus extrêmes, des Ismaéliens. Ce jour-là, une bonne partie des hommes était loin de la forteresse, et celle-ci fut envahie, dans une surprise totale. J'ai dit tout à l'heure la part prise par les femmes à la résistance, le soutien qu'elles apportèrent aux soldats laissés sur place. En voici un autre exemple : une vieille femme, Founoun, qui était à notre service depuis le temps de mon grand-père, se couvrit de son voile, prit une épée et combattit jusqu'à notre retour. C'est à elle et aux autres, autant qu'aux hommes restés là ou revenus à la rescousse, que nous dûmes de repousser les assaillants et de passer au fil de l'épée tous ceux qui tombèrent entre nos mains. Pour moi, j'eus à affronter, seul à seul, un Ismaélien qui, voyant venir mon coup d'épée, plaça, pour se protéger, la lame d'un poignard sur son avant-bras. Peine perdue. L'épée le trancha tout net, au prix d'une légère brèche : celle-ci y est encore, pour me rappeler ce combat singulier de mes dix-neuf ans. Triste journée que celle-là, où beaucoup de nos gens périrent. Mais j'en retiens aussi l'une des plus claires expériences qu'il m'ait été donné de méditer. Nous avions fini de nous battre, ivres de vengeance et de dégoût, quand une voix cria : « Des gens, ici ! Il y a du bruit ! » C'était une écurie très sombre, et qui paraissait vide. Nous y trouvâmes, en fait, deux Ismaéliens armés, qui furent tués sur l'heure, et l'un de nos compagnons, mort, étendu sur on ne savait quoi : c'était un troisième Ismaélien qui, à notre arrivée, s'était enveloppé de quelques hardes qui traînaient par là et caché sous le mort. Nous lui fîmes, à lui aussi, son affaire, et emportâmes le corps de notre ami à la mosquée. Il avait d'énormes blessures, et ne bougeait ni respirait : de mon pied, je lui remuais la tête, qui semblait tellement sans vie, sur le pavé de la mos­quée. Mais Dieu seul connaît nos destinées et leur terme ! Si incroyable que cela fût, notre homme revint à lui, survécut et retrouva sa santé d'autrefois."

André Miquel, Ousama. Un prince syrien face aux croisés, Fayard

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