Dans le poème ci-dessous, Ibn Hânî utilise des figures "astronomiques" pour décrire l'arrivée de l'aube dissipant progressivement les ténèbres et emportant les constellations qui prennent au fur et à mesure de leur évanouissement des formes étranges. Ce poème a fait l'admiration des générations de critiques et d'anthologues. Il est d'une facture classique et Ibn Hânî se base sur l'antithèse éculée dans la poésie arabe classique du blanc/noir correspondant à la dualité jour/nuit pour filer métaphores et comparaisons.
"O nuit [chère à nos coeurs], tu déroules les lourdes torsades de ta noire chevelure tandis qu'étincellent à tes oreilles les escarboucles d'Orion !
Emboîtant le pas aux étoiles, les ténèbres battent en retraite, tandis que se met en ligne l'armée de l'aurore, prête à la mêlée.
Pâlissent aussi les Pléiades (al-Turayyâ), bagues jetant une dernière lueur aux doigts d'une main fondue dans l'obscurité
Aldébaran (al-Dabarân) subit sa loi et s'en va à son tour, comme un capitaine de renfort dont les chevaux ont été tenus en réserve
Sirius (al-Shi'râ), flanqué de son Mirzam comme d'un cheval fringant mais docile, passe aussi
Suivi de près par Procyon ('Abur) son frère, qui s'apprête à fendre de la Voie lactée (Majarra) les [blancs] replis
Comme s'il fuyait la fureur du Lion qui, dardant son mufle, contribue, par ses rugissements, à dissiper les ténèbres
On eût dit que les deux Etançons (Simâkân), accrochés à sa crinière, le menaçaient d'une mort certaine
Car l'un, muni de sa lance (Râmih), pointe vers lui son fer, tandis que l'autre se mord les doigts d'être sans arme ('A'zal)
L'étoile-vigile (Raqîb) prend la relève de celles qui tombent, pareille à l'aigle juché sur le pic élevé et qui, de ses yeux enfoncés derrière le plumage, scrute l'horizon
Passent ensuite les enfants de Na'sh [Etoiles du Chariot], avec leur civière (Na'sh); on dirait des gazelles de Wajra portant en terre un faon nouveau-né
Voici Canope (Suhayl) qui monte, seul, à l'horizon, comme un amant délaissé qui n'a pas retrouvé l'âme-soeur
Et puis Alor (al-Suhâ), pâle et dolent, comme un amoureux rongé par la tristesse et qu'entourent ses visiteurs : tantôt ils le masquent, tantôt on l'aperçoit faiblement
Et l'étoile du pôle (Mu'allâ al-Qutb), cavalier muni de deux étendards fichés en terre, comme s'il refusait d'aller à l'ennemi
Voici les deux Aigles (al-Nasr) : celui qui s'abat (al-Wâqi'), on dirait que ses rémiges ont été rognées ; alors, les plumes de l'arrière sont trop faibles pour soutenir son vol
Tandis que l'autre, Altaïr (al-Ta'ir), plane, triomphant : il s'élève jusqu'à l'astre resplendissant et, [d'un coup de bec,] en tranche la moitié.
Le dernier pan de la nuit, couleur d'ébène, se drape alors dans une [blanche] cape de Khusraw et presse le pas
L'obscurité qui l'entoure chavire, comme un ivrogne terrassé par les vins raffinés d'une nuit d'ivresse
Triomphant comme un chef turc, l'éclair de l'aube semble défier le Négus, mais celui-ci se garde bien d'entrer en lice.
L'étendard du soleil enfin, [haut levé], resplendit comme le front de Ja'far[1] quand il aperçoit l'adversaire : alors son éclat redouble."
Emboîtant le pas aux étoiles, les ténèbres battent en retraite, tandis que se met en ligne l'armée de l'aurore, prête à la mêlée.
Pâlissent aussi les Pléiades (al-Turayyâ), bagues jetant une dernière lueur aux doigts d'une main fondue dans l'obscurité
Aldébaran (al-Dabarân) subit sa loi et s'en va à son tour, comme un capitaine de renfort dont les chevaux ont été tenus en réserve
Sirius (al-Shi'râ), flanqué de son Mirzam comme d'un cheval fringant mais docile, passe aussi
Suivi de près par Procyon ('Abur) son frère, qui s'apprête à fendre de la Voie lactée (Majarra) les [blancs] replis
Comme s'il fuyait la fureur du Lion qui, dardant son mufle, contribue, par ses rugissements, à dissiper les ténèbres
On eût dit que les deux Etançons (Simâkân), accrochés à sa crinière, le menaçaient d'une mort certaine
Car l'un, muni de sa lance (Râmih), pointe vers lui son fer, tandis que l'autre se mord les doigts d'être sans arme ('A'zal)
L'étoile-vigile (Raqîb) prend la relève de celles qui tombent, pareille à l'aigle juché sur le pic élevé et qui, de ses yeux enfoncés derrière le plumage, scrute l'horizon
Passent ensuite les enfants de Na'sh [Etoiles du Chariot], avec leur civière (Na'sh); on dirait des gazelles de Wajra portant en terre un faon nouveau-né
Voici Canope (Suhayl) qui monte, seul, à l'horizon, comme un amant délaissé qui n'a pas retrouvé l'âme-soeur
Et puis Alor (al-Suhâ), pâle et dolent, comme un amoureux rongé par la tristesse et qu'entourent ses visiteurs : tantôt ils le masquent, tantôt on l'aperçoit faiblement
Et l'étoile du pôle (Mu'allâ al-Qutb), cavalier muni de deux étendards fichés en terre, comme s'il refusait d'aller à l'ennemi
Voici les deux Aigles (al-Nasr) : celui qui s'abat (al-Wâqi'), on dirait que ses rémiges ont été rognées ; alors, les plumes de l'arrière sont trop faibles pour soutenir son vol
Tandis que l'autre, Altaïr (al-Ta'ir), plane, triomphant : il s'élève jusqu'à l'astre resplendissant et, [d'un coup de bec,] en tranche la moitié.
Le dernier pan de la nuit, couleur d'ébène, se drape alors dans une [blanche] cape de Khusraw et presse le pas
L'obscurité qui l'entoure chavire, comme un ivrogne terrassé par les vins raffinés d'une nuit d'ivresse
Triomphant comme un chef turc, l'éclair de l'aube semble défier le Négus, mais celui-ci se garde bien d'entrer en lice.
L'étendard du soleil enfin, [haut levé], resplendit comme le front de Ja'far[1] quand il aperçoit l'adversaire : alors son éclat redouble."
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[1] Ja'far ibn 'Ali ibn Hamdun, Vice-Roi de Msila, dans le Zâb, et protecteur d'Ibn Hânî lorsque celui-ci s'y réfugia après avoir quitté l'Andalousie
[1] Ja'far ibn 'Ali ibn Hamdun, Vice-Roi de Msila, dans le Zâb, et protecteur d'Ibn Hânî lorsque celui-ci s'y réfugia après avoir quitté l'Andalousie
2 commentaires:
Your blog keeps getting better and better! Your older articles are not as good as newer ones you have a lot more creativity and originality now keep it up!
Thank you very much for your encouragement. I agree with you concerning my older articles. But I owe you an explanation. At first, my intention was to create a web site on the Alamut period of the Ismaili history. But due to some problems, I was not able to keep on with this site so I just did a cut/copy of what I had written into the framework of this blog. Then a friend of mine advised me to open the subject of my work and not to limit only on the Alamut period. I followed his good advise.
I suspect your french to be very good or at least not bad because this poetry of Ibn Hânî is quite difficult. Soon, I'll write a biography of this Ismaili poet and eulogist of the Caliph/Imam al-Mu'izz. Thank you once again.
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