Sindbad PUZZLE

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mardi 6 avril 2010

Le cothon (port) de Mahdia

Le cothon de Mahdia vu depuis l'angle Est


"Les sites archéologiques de Carthage, Mahdia, Phalasarna, Motyé, Rachgoun et Jezirat Fara’un ont en commun la présence d’un port appelé « cothon ». Ce terme est utilisé depuis l’Antiquité pour désigner le port de Carthage et, aujourd’hui, les spécialistes d’archéologie portuaire s’accordent pour l’associer à un « bassin portuaire creusé et débouchant sur la mer libre par l’intermédiaire d’un chenal ».


À Mahdia, à un chenal (40 large) et un bassin rectangulaire (130 x 65 m), s’ajoute un chenal secondaire, interprété comme probable chenal de désensablement, long de 40 m et large de 5 m. Les parois verticales du bassin furent taillées dans le grès calcaire pliocène sur la quasi-totalité de sa périphérie. A 20m de l’angle ouest du bassin, la paroi est interrompue sur environ 30 m par une grève pentue qui s’étire vers le nord-ouest et se perd sous les remblais. La vocation portuaire de ces aménagements ne fait aucun doute ; d’ailleurs quelques barques de pêcheurs viennent, aujourd’hui encore, s’échouer sur la section de grève ou s’amarrer aux quais. Des ergots rocheux traversés verticalement par un trou font office d’amarrage. La datation du cothon de Mahdia n’est pas encore fermement établie. Le creusement, du bassin et du chenal, est attribué soit au calife fatimide Ubayd Allah, qui fut à l’origine, au Xe s. de notre ère, de la construction à Mahdia d’une important arsenal, soit aux Carthaginois. À l’extrémité est du promontoire, seuls quelques caveaux funéraires érodés par la mer pourraient être de facture punique. En revanche, une nécropole dont quelque 1000 tombes ont été fouillées, s’étendait sur 12 km le long du littoral au nord du promontoire. La date supposée pour les débuts de l’utilisation de cette nécropole, peut-être dès la fin du Ve s. av. J.-C. , plaiderait en faveur d’un établissement carthaginois à proximité du port creusé. Cette hypothèse est confortée par la présence, sur les parois du bassin, d’une encoche d’érosion marine, dont l’importance (hauteur 60 cm, profondeur 0,4 à 1,1 m) n’a jamais été atteinte en Tunisie sur des sites plus tardifs. Il est donc probable que le bassin fut taillé à l’époque punique.

Il apparaît clairement que deux techniques distinctes furent utilisées pour l’aménagement des cothons, ce qui nous a permis d’établir une typologie. La première technique consiste à creuser un bassin portuaire dans un terrain sec, et de le mettre en relation avec la mer par l’intermédiaire d’un chenal. L’avantage de cette technique est de donner une forme régulière au futur port, comme à Carthage et Mahdia où l’on observe des bassins de formes géométriques simples (rectangle ou cercle). La deuxième technique utilise les caractéristiques naturelles du site : des plans d’eau naturels, lagunes ou criques, sont aménagés de façon à constituer un port clos (Phalasarna, Motyé, Jezirat Fara’un).
Si l’on s’attarde sur la situation urbaine des ports de type cothon, on constate que, excepté à Rachgoun, tous les sites sont situés à l’intérieur de l’enceinte de la ville.
À Mahdia et à Jezirat Fara’un, les portions d’enceinte sont largement postérieures à l’aménagement du bassin. Peut-être reprennent-elles un tracé plus ancien ? Il apparaît tout de même légitime de supposer que la vocation principale du cothon était de créer un port à l’intérieur des murailles de la ville.
Les vestiges archéologiques nous présentent ainsi le cothon comme un port totalement ou en partie artificiel, intra-muros, dont l’aménagement en arrière de la ligne de côte est complété par divers éléments à fonctions spécifiques (quais, hangars à navires, chenaux de désensablement…). Sa répartition chronologique et géographique traduit une technique privilégiée par les populations phéniciennes et puniques durant tout le premier millénaire avant notre ère, depuis Jezirat Fara’un (la base navale de Hiram Ier et de Salomon : Ezion Geber) au Premier âge du Fer, jusqu’à Carthage à la veille de sa destruction par les Romains (146 av. J.-C.), en passant par Motyé, Rachgoun et Mahdia."

Bitte d'amarrage taillée à Mahdia

Source : Nicolas Carayon, Le cothon ou port artificiel creusé. Essai de définition, in Revue Méditerranée, n°104, 2005.

lundi 5 avril 2010

Tamîm ibn al-Mu'izz : ode à l'Imam-Calife al-Aziz bi-llah

Aiguière en cristal de roche taillé, au nom du Ve Calife fâtimide al-Aziz bi-llâh, seconde moitié du Xe siècle, Trésor de St-Marc, Venise

Tamîm ibn al-Mu'izz fut le fils aîné du quatrième Calife fâtimide al-Mu'izz. Il naquît à Mahdia, en Ifriqiya (Tunisie actuelle), en 949 et mourut au Caire en 984. Après la conquête de l'Egypte par les troupes fâtimides menées par le Général Jawhar, il accompagna, à l'âge de 25 ans, son père dans son voyage vers Le Caire. Peu porté sur la politique, le prince Tamîm mena une vie essentiellement tournée vers les arts et les lettres. Il écrivit le poème ci-dessous en l'honneur de son frère al-Aziz bi-llah, le cinquième Calife fâtimide (m. en 996).

"Seul de tous les monarques du monde, tu es un esprit de sainteté incarné dans une enveloppe humaine
Lumière subtile dont l'éclat grandit et s'élève jusqu'à dépasser la brillance du soleil et de la lune
Tu es un concept de la cause première qui a précédé la matière et préexisté au nivellement de la terre et de l'argile
De toute la création, toi seul reçois le flux du Créateur qui fait de toi l'intermédiaire sublime ente Lui et ses créatures
C'est toi le Signe [de Dieu] parmi la descendance de Son Envoyé ; et de tous les Mudarites, c'est toi, reflet éclatant qu'Il a élu
Il ne tient qu'à toi de refuser la terre et ses habitants comme réceptacle de ta grandeur, et de recevoir, en échange, le royaume des étoiles et constellations
Et quiconque tenterait de saisir ton essence, s'apercevrait vite que son entendement en est incapable, comme frappé de mutisme."

Source : Mohammed Yalaoui, Un poète chiite d'Occident au IVe/Xe siècle : Ibn Hânî al-Andalusî, Tunis

dimanche 4 avril 2010

Tagore : "Ne pars pas, mon amour, sans prendre congé de moi"


Ne pars pas, mon amour, sans prendre congé de moi.
Toute la nuit j'ai veillé, et maintenant mes yeux sont lourds de sommeil.
Je crains de te perdre si je m'endors.
Ne pars pas, mon amour, sans prendre congé de moi.

Je tressaille et j'étends mes mains pour te toucher.
Je me demande : Est-ce un rêve ?
Que ne puis-je emmêler tes pieds avec mon coeur et les tenir pressés contre mes seins !
Ne pars pas, mon amour, sans prendre congé de moi.

Rabindranath Tagore, Le jardinier d'amour - La petite lune, Poésie/Gallimard

Tagore : "L'autre rive"

Satyajit Ray

Ah ! que je voudrais aller là-bas à l'autre rive du fleuve,
Près de cette rangée de bateaux amarrés aux perches de bambous !
C'est là que dans leurs barques les paysans traversent la rivière ; ils vont labourer les champs lointains et portent leurs petites charrues sur leurs épaules.
C'est là que les pâtres font passer à la nage leurs troupeaux mugissants qu'ils conduisent aux paturages riverains.
C'est de là qu'ils reviennent le soir au logis, et la petite île couverte de mauvaises herbes reste livrée aux chacals hurleurs.
Maman, si tu le veux bien, j'aimerais être le passeur du bac quand de serai grand.

On dit qu'il y a des mares curieuses cachées derrière ces hauts talus.
Là, des troupes de canards sauvages se réunissent après la saison des pluies, là, des fourrés de roseaux croissent au bord des étangs et les oiseaux aquatiques y déposent leurs oeufs.
Là, des bécasses aux queues frétillantes laissent l'empreinte de leurs petites pattes sur la boue molle et propre.
Là, les hautes herbes invitent les rayons de la lune à se laisser bercer sur les touffes ondulantes de leurs blanches fleurs.
Maman, si tu le veux bien, j'aimerais être le passeur du bac quand je serai grand.

Je ferai la traversée sans cesse d'une rive à l'autre, et les garçons et les filles du village, en se baignant, me regarderont bouche bée.
Quand le soleil remonte au haut du ciel, quand le matin cède la place à midi, j'accourrai vers toi en disant : "Maman, j'ai faim !"
Quand la journée est finie, les ombres se blottissent sous les arbres, j'arriverai alors avec le crépuscule.
Jamais je ne te quitterai pour aller à la ville travailler comme mon père.
Maman, si tu le veux bien, j'aimerais être le passeur du bac quand je serai grand.

Rabindranath Tagore, Le jardinier d'amour - La jeune lune, Poésie/Gallimard

samedi 3 avril 2010

Tagore : "Les bateaux de papier"



Jour après jour et un à un, mes bateaux de papier flottent sur la rivière, portés par le courant.
Sur leur coque, j'inscris en grandes lettres noires mon nom et celui du village où je demeure.
Quelqu'un là-bas, dans un pays éloigné, les trouvera, j'espère, et apprendra qui je suis.
Je charge mes petits bateaux de fleurs de shiuli cueillies dans notre jardin dans l'espoir que cette floraison de l'aube aura la bonne fortune d'aborder au pays de la nuit.
Quand j'ai lancé à l'eau mes bateaux de papier, je lève mes yeux vers le ciel, et voilà que de petits nuages apprêtent leurs voiles blanches et bombées !
Quelque camarade joue-t-il avec moi de là-haut, les faisant partir sur le vent, pour courir avec mes bateaux ?
Quand la nuit vient, j'enfonce ma tête dans mes bras et je rêve que mes bateaux de papier voguent toujours, toujours plus loin, sous la clarté des étoiles de minuit.
Les fées du sommeil y voyagent et la cargaison, ce sont leurs paniers pleins de rêves !


Rabindranath Tagore, Le jardinier d'amour - La jeune lune, Poésie/Gallimard

vendredi 2 avril 2010

Mahdia, au XIIe siècle, dans la Géographie d'al-Idrissi

Planisphère d'al-Idrîsî tiré d'un manuscrit du XVe siècle du Livre de Roger. Dans les cartes musulmanes de l'époque médiévale, le Nord, à l'inverse de l'orientation d'aujourd'hui, était en bas de la carte et le monde de l'Islam était situé au centre. The Bodleian Library


C'est en 1154 qu'Al-Idrissi (mort vers 1165) commença à Palerme, à la cour du roi normand Roger II, la rédaction de son fameux ouvrage Nuzhat al-mushtaq fî ikhtirâq al-âfâq (Amusement pour qui désire parcourir les différentes parties du monde), encore appelé Le Livre de Roger ou La Géographie d'al-Idrissi. Dans l'extrait ci-dessous, al-Idrissi décrit la ville de Mahdia telle qu'elle était au XIIe siècle. Rappelons que Mahdia fut fondée en 914 par le calife fâtimide Ubayd Allah al-Mahdi. Roger II l'occupa de 1148 à 1160, date à laquelle la ville tomba entre les mains des Almohades.

"De Sfax à Mahdia, on compte 2 journées.
Cette dernière ville, où réside un gouverneur de la part du grand roi Roger, offre un port des plus fréquentés par les navires marchands venant de l'orient et de l'occident, de l'Espagne, de l'empire Byzantin et d'autres contrées. On y apportait autrefois des marchandises en quantité et pour des sommes immenses. A l'époque présente, le commerce y a diminué. Mahdia était le port et l'entrepôt de Kairouan ; elle fut fondée sur les bords de la mer par al-Mahdî Ubayd Allah qui lui donna son nom. Pour s'y rendre de Sfax, on va premièrement à Raqqada du Kairouan et puis de Raqqada à Mahdia. La distance entre elle et Kairouan est de 2 journées.
Mahdia était autrefois extrêmement fréquentée par les voyageurs ; on y apportait de tout côté une grande variété de marchandises, car on était sûr d'y trouver des chalands, et ses habitants jouissaient d'une bonne réputation chez tout le monde ; les constructions en sont belles, les maisons nettes et élégantes, les lieux de plaisance jolis, les bains magnifiques, les caravansérails nombreux, enfin la ville offre au dehors et au dedans un coup d'œil d'autant plus ravissant que ses habitants sont généralement beaux et proprement vêtus. On y fabrique des tissus très fins et très beaux, connus sous le nom de tissus de Mahdia et dont il se faisait en tout temps une exportation considérable, car ces tissus étaient inimitables sous tous les rapports. Les habitants de Mahdia boivent de l'eau de citerne, l'eau des puits étant d'un goût désagréable. La ville est entourée de belles murailles en pierre et fermée au moyen de deux portes construites en lames de fer superposées sans emploi d'aucun bois. Il n'en existe point dans le monde habité d'aussi habilement ni d'aussi solidement fabriquées, et elles sont considérées comme une des curiosités les plus admirables de la ville. Il n'y a du reste ni jardins, ni vergers, ni plantations de dattiers ; les fruits y sont apportés en partie des châteaux de Monastir, situés à 30 milles de distance par mer. Ces châteaux, au nombre de trois, sont habités par des religieux auxquels les Arabes ne font aucun mal et dont ils respectent les champs cultivés et les vergers. C'est à Monastir que les habitants de Mahdia vont, par mer et au moyen de barques, ensevelir leurs morts, car il n'y a point de cimetière chez eux, du moins je n'en connais pas.
De nos jours, Mahdia se compose de deux villes, savoir, Mahdia proprement dite et Zuwayla. La première sert de résidence au sultan et à ses troupes ; elle est dominée par le château du prince, construit de la manière la plus solide. On voyait dans cette ville, avant qu'elle fût conquise par le grand roi Roger, les voûtes d'or dont la possession faisait la gloire des princes. Lors de la conquête, le prince régnant était al Hasan ibn Alî ibn Yahya ibn Tamîm ibn l Mu'izz ibn Bâdîs ibn l Mansur ibn Zîrî le Sanhadjite. Zuwayla est remarquable par la beauté de ses bazars et de ses édifices, ainsi que par la largeur de ses rues et de ses carrefours. Les habitants sont des négociants riches, doués d'une habileté et d'une intelligence admirables. Leurs vêtements sont ordinairement de couleur blanche et ils prennent grand soin qu'ils soient propres ainsi que leurs corps. Leur conduite est irréprochable, ils joignent à une connaissance commerciale très étendue une régularité louable dans les affaires. La ville est entourée, tant du côté de la terre que de celui de la mer, de murailles en pierre, hautes et fortes, et le long du premier de ces côtes, règne un grand fossé qui se remplit au moyen des eaux pluviales. Dans la ville on voit plusieurs bains et caravansérails (funduq). Au dehors et du côté de l'ouest, existe un vaste enclos (himâ), où se trouvaient, avant l'invasion ruineuse des Arabes en Afrique, les jardins et les vergers des habitants, qui étaient remarquables par la bonté et la beauté des fruits qu'ils produisaient ; actuellement il n'en reste plus rien. Dans les environs de Zuwayla sont plusieurs villages, châteaux et métairies, dont les habitants se livrent à l'agriculture et à l'élevage des bestiaux. Les productions du pays sont le froment, l'orge, les olives : on y gagne quantité d'huile de qualité supérieure, qu'on emploie dans toute l'Ifriqîya et dont on exporte beaucoup pour le levant. Les villes de Mahdia et de Zuwayla sont séparées l'une de l'autre par une aire de l'étendue d'un peu plus d'un jet de flèche et qu'on nomme ar-Ramla (le sable). Mahdia est la capitale de l'Ifriqîya et le pivot de l'empire."

Source : Al-Idrîsî, Description de l'Afrique et de l'Espagne, traduction par Reinhart P. A. Dozy et Michaël J. de Goeje, Oriental Press, Amsterdam, 1969, republication intégrale de l'édition de Leiden, 1866.

Citation de Ali

Calligraphie de Hassan Massoudy : "Le savoir élève celui qui n'est pas haut placé". (Avicenne)

"L'art de la calligraphie se cache dans les enseignements du maître, son essence se trouve dans la répétition". Ali.


Merci à Ali Jérôme pour cette citation de Ali

mercredi 31 mars 2010

Rûmî et l'Amour

Quelques paroles de Rûmî envoyées par une lectrice de ce blog. Merci à Asiya :
  • "...Et si le sucre savait la douceur de l'Amour, de honte il fondrait en eau..."
  • "Le grand miracle de l'Amour est qu'il porte toujours l'amoureux a des stades plus élevés."
  • "C'est assurément un vin qui monte a la tête, et qui enivre l'humanité d'une ivresse d'éternité."
  • "Dieu m'a créé du vin de l'Amour !"
  • "Je demandai : "Cher intellect, où es -tu donc ?" et l'intellect me répondit : "Puisque je suis changé en vin, pourquoi redeviendrais-je raisin vert ?"
  • "D'amour pour Toi chaque matin l'intellect devient fou, il grimpe sur la terrasse du cerveau et joue du luth."
  • "L'amour entra dans la mosquée et dit : "Oh maître et guide, arrache les chaînes de l'existence, pourquoi restes-tu dans les fers du tapis de prière ?"
  • "Qui est loin du filet de l'amour est un oiseau dépourvu d'ailes !"
  • "Ton amour, un lion noir, déchire tous mes os !"

lundi 29 mars 2010

Soûr-Dâs : "Pastorales"

Parmi tant et tant de vers délicieux et délicats du barde aveugle Soûr-Dâs, qui vécut en Inde au XVIIe siècle, je vous propose de savourer ceux-ci :

Krishna charme les gopi (bouvières) en jouant de la flûte et se multiplie en autant de gopa pour les satifaire. BNF

Nul n'a jamais trouvé de paix dans l'amour !

Eprise de la flamme, la phalène
s'y est consumée toute entière,
L'enfant d'abeille enamouré de l'enfant de lotus
est resté prisonnier dans ses pétales,
La gazelle enivrée par le chant du chasseur
est transpercée de ses flèches...
Nous, nous sommes éprises de Mâdhao [Krishna],
et voici qu'il s'en est allé, sans un mot !
Soûr-Dâs, privé du Seigneur, nous pâtissons
et les larmes ruissellent de nos yeux !

Nul n'a jamais trouvé de paix dans l'amour...

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Krishna, le dieu à la peau sombre, amant de Râdhâ. BNF

La flûte bouleverse tout !

Elle emplit de son chant les trois mondes
dès que l'Amant de Râdha se met à jouer...
Le veau écarte sa tête du pis,
la vache cesse de brouter,
Le flot de la Jamnâ coule en sens inverse
et le vent fait silence, au son de la flûte...
Emus, égarés, les êtres célestes
dieux, déesses et Gandharvas,
Soûr-Dâs, restent immobiles, çà et là, médusés
au son de la flûte qui enchante les femmes du Braj !

La flûte bouleverse tout...

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Mariage de Shiva et Sati. BNF

Tendrement il a pris dans sa main la guirlande...

Sachant qu'elle reposait sur le sein de sa bien-aimée
il [Krishna] ne l'a pas laissé glisser !
D'un pan de son vêtement jaune, il en essuie la sueur
et puis il la serre sur son coeur...
Il touche ses pieds de ses mains
en disant : "
Que tu es lasse !"
La voyant en sueur, du souffle de sa bouche,
il sèche le corps de Râdhâ...
Soûr-Dâs, les yeux fixés sur les sourcils du Seigneur,
les femmes dansent à son gré !

Tendrement il a pris dans sa main la guirlande...

Soûr-Dâs, Pastorales, traduction de la langue braj avec introduction, notes et glossaire de Charlotte Vaudeville, Gallimard

Kabir : "Au cabaret de l'amour"


Nûr 'ala Nûr

Vois, Frère, la tornade de la Connaissance s'est abattue :
Elle a tout emporté, elle a arraché les cloisons de l'Erreur,
et la barrière de la Mâyâ [1] a cédé.

Elle a renversé les deux poteaux de l'Hésitation,
le faîtage de l'Egarement s'est brisé,
Le toit du Désir s'est effondré,
le vase du Vice a éclaté en morceaux !

Après l'ouragan, une averse est tombée,
qui a transporté ton serviteur :
Dit Kabîr : la Lumière a brillé dans mon esprit,
quand j'ai reconnu le Soleil à son lever !

Kabir, Au cabaret de l'Amour, traduit du hindi médiéval, préfacé et annoté par Charlotte Vaudeville, Gallimard
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[1] Mâyâ : le monde, les attaches matérielles, sensuelles, l'Illusion