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vendredi 2 avril 2010

Mahdia, au XIIe siècle, dans la Géographie d'al-Idrissi

Planisphère d'al-Idrîsî tiré d'un manuscrit du XVe siècle du Livre de Roger. Dans les cartes musulmanes de l'époque médiévale, le Nord, à l'inverse de l'orientation d'aujourd'hui, était en bas de la carte et le monde de l'Islam était situé au centre. The Bodleian Library


C'est en 1154 qu'Al-Idrissi (mort vers 1165) commença à Palerme, à la cour du roi normand Roger II, la rédaction de son fameux ouvrage Nuzhat al-mushtaq fî ikhtirâq al-âfâq (Amusement pour qui désire parcourir les différentes parties du monde), encore appelé Le Livre de Roger ou La Géographie d'al-Idrissi. Dans l'extrait ci-dessous, al-Idrissi décrit la ville de Mahdia telle qu'elle était au XIIe siècle. Rappelons que Mahdia fut fondée en 914 par le calife fâtimide Ubayd Allah al-Mahdi. Roger II l'occupa de 1148 à 1160, date à laquelle la ville tomba entre les mains des Almohades.

"De Sfax à Mahdia, on compte 2 journées.
Cette dernière ville, où réside un gouverneur de la part du grand roi Roger, offre un port des plus fréquentés par les navires marchands venant de l'orient et de l'occident, de l'Espagne, de l'empire Byzantin et d'autres contrées. On y apportait autrefois des marchandises en quantité et pour des sommes immenses. A l'époque présente, le commerce y a diminué. Mahdia était le port et l'entrepôt de Kairouan ; elle fut fondée sur les bords de la mer par al-Mahdî Ubayd Allah qui lui donna son nom. Pour s'y rendre de Sfax, on va premièrement à Raqqada du Kairouan et puis de Raqqada à Mahdia. La distance entre elle et Kairouan est de 2 journées.
Mahdia était autrefois extrêmement fréquentée par les voyageurs ; on y apportait de tout côté une grande variété de marchandises, car on était sûr d'y trouver des chalands, et ses habitants jouissaient d'une bonne réputation chez tout le monde ; les constructions en sont belles, les maisons nettes et élégantes, les lieux de plaisance jolis, les bains magnifiques, les caravansérails nombreux, enfin la ville offre au dehors et au dedans un coup d'œil d'autant plus ravissant que ses habitants sont généralement beaux et proprement vêtus. On y fabrique des tissus très fins et très beaux, connus sous le nom de tissus de Mahdia et dont il se faisait en tout temps une exportation considérable, car ces tissus étaient inimitables sous tous les rapports. Les habitants de Mahdia boivent de l'eau de citerne, l'eau des puits étant d'un goût désagréable. La ville est entourée de belles murailles en pierre et fermée au moyen de deux portes construites en lames de fer superposées sans emploi d'aucun bois. Il n'en existe point dans le monde habité d'aussi habilement ni d'aussi solidement fabriquées, et elles sont considérées comme une des curiosités les plus admirables de la ville. Il n'y a du reste ni jardins, ni vergers, ni plantations de dattiers ; les fruits y sont apportés en partie des châteaux de Monastir, situés à 30 milles de distance par mer. Ces châteaux, au nombre de trois, sont habités par des religieux auxquels les Arabes ne font aucun mal et dont ils respectent les champs cultivés et les vergers. C'est à Monastir que les habitants de Mahdia vont, par mer et au moyen de barques, ensevelir leurs morts, car il n'y a point de cimetière chez eux, du moins je n'en connais pas.
De nos jours, Mahdia se compose de deux villes, savoir, Mahdia proprement dite et Zuwayla. La première sert de résidence au sultan et à ses troupes ; elle est dominée par le château du prince, construit de la manière la plus solide. On voyait dans cette ville, avant qu'elle fût conquise par le grand roi Roger, les voûtes d'or dont la possession faisait la gloire des princes. Lors de la conquête, le prince régnant était al Hasan ibn Alî ibn Yahya ibn Tamîm ibn l Mu'izz ibn Bâdîs ibn l Mansur ibn Zîrî le Sanhadjite. Zuwayla est remarquable par la beauté de ses bazars et de ses édifices, ainsi que par la largeur de ses rues et de ses carrefours. Les habitants sont des négociants riches, doués d'une habileté et d'une intelligence admirables. Leurs vêtements sont ordinairement de couleur blanche et ils prennent grand soin qu'ils soient propres ainsi que leurs corps. Leur conduite est irréprochable, ils joignent à une connaissance commerciale très étendue une régularité louable dans les affaires. La ville est entourée, tant du côté de la terre que de celui de la mer, de murailles en pierre, hautes et fortes, et le long du premier de ces côtes, règne un grand fossé qui se remplit au moyen des eaux pluviales. Dans la ville on voit plusieurs bains et caravansérails (funduq). Au dehors et du côté de l'ouest, existe un vaste enclos (himâ), où se trouvaient, avant l'invasion ruineuse des Arabes en Afrique, les jardins et les vergers des habitants, qui étaient remarquables par la bonté et la beauté des fruits qu'ils produisaient ; actuellement il n'en reste plus rien. Dans les environs de Zuwayla sont plusieurs villages, châteaux et métairies, dont les habitants se livrent à l'agriculture et à l'élevage des bestiaux. Les productions du pays sont le froment, l'orge, les olives : on y gagne quantité d'huile de qualité supérieure, qu'on emploie dans toute l'Ifriqîya et dont on exporte beaucoup pour le levant. Les villes de Mahdia et de Zuwayla sont séparées l'une de l'autre par une aire de l'étendue d'un peu plus d'un jet de flèche et qu'on nomme ar-Ramla (le sable). Mahdia est la capitale de l'Ifriqîya et le pivot de l'empire."

Source : Al-Idrîsî, Description de l'Afrique et de l'Espagne, traduction par Reinhart P. A. Dozy et Michaël J. de Goeje, Oriental Press, Amsterdam, 1969, republication intégrale de l'édition de Leiden, 1866.

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